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Le « pacte d’oubli », un déni de justice pour les victimes du franquisme

La loi d’amnistie, aussi appelée « pacte d’oubli », adoptée par le Parlement espagnol en 1977, a été l’un des actes fondateurs de la nouvelle démocratie espagnole après la mort de Franco. Sous prétexte de libération des prisonniers politiques et de retour des exilés, elle a surtout garanti l’impunité aux tortionnaires franquistes, pour des crimes commis pendant la guerre civile et sous la dictature. Elle a mis sur un même plan républicains et franquistes, entravé toute action en justice des victimes ou de leurs descendants. Elle explique que l’histoire de la dictature franquiste ne soit quasiment pas enseignée à l’école ou au lycée.

Depuis les années 1990, des associations de victimes et de leurs descendants revendiquent leur droit à la justice. Un combat décrit par l’émouvant documentaire d’Almudena Carracedo et Robert Bahar, Le Silence des autres (2019). On y voit une veille femme qui ne veut pas mourir avant d’avoir donné une sépulture à sa mère, paysanne fusillée durant la guerre civile et enterrée dans une fosse commune ; un ancien dirigeant étudiant, torturé au début des années 1970, forcé de vivre à quelques rues de son tortionnaire ; des mères de « bébés volés », une pratique conjointement organisée par les cadres franquistes et l’Église catholique, et toujours en vigueur au début des années 1980…

En 2010, tous ont dû porter plainte en Argentine, au nom de la « compétence universelle » concernant les crimes contre l’humanité, car aucun tribunal espagnol n’avait jugé leurs plaintes recevables. La plainte regroupe plus de 200 plaignants, pour des faits allant de 1936 à 1977, dont le massacre de Vitoria en 1976. Elle n’a à ce jour pas abouti, l’Espagne refusant l’extradition des mis en cause. Si la droite, avec le Parti populaire, assume clairement sa nostalgie du franquisme, la gauche, avec le PSOE, se limite à des mesures symboliques. Les symboles ont certes une importance, comme l’exhumation en 2019 du corps de Franco de son monument d’El Valle de los Caídos1. Les lois de « mémoire historique » et de « mémoire démocratique » de 2007 et 2022 ont reconnu l’existence des crimes franquistes et la responsabilité de l’État dans la recherche, l’exhumation et l’identification des disparus. Mais bien peu de moyens sont alloués à l’ouverture des fosses communes. À ce jour, toute action judiciaire visant à condamner des responsables reste impossible en Espagne.

En 2023, une victime de la dictature, Julio Pacheco, torturé en 1975 parce qu’il était membre d’une organisation étudiante antifranquiste, a été entendue pour la première fois par un juge en Espagne. Sans suites pour le moment.

Lydie Grimal

1  Littéralement « la vallée de ceux qui sont tombés – pour Dieu et pour l’Espagne », un immense mausolée surmonté d’une croix de 150 mètres de haut !

 

 


 

 

Sommaire du dossier

État Espagnol : 50 ans après le mort du dictateur Franco ou la « transition démocratique » vers le maintien du pouvoir des capitalistes

 

(Dossier réalisé à partir de la présentation de Rubén Osuna (Izar Madrid) lors des rencontres révolutionnaires du NPA-R 2025)