
Le Parti socialiste avait tout fait pour s’entendre avec Lecornu sur la confection d’un budget, fait d’économies sur notre dos, mais qu’il espérait pouvoir amender de quelques gadgets pour ne pas trop perdre la face en parlant « d’avancées ». Et voilà qu’au moment du vote du projet à l’Assemblée nationale plus personne n’y a retrouvé ses petits. Dans la nuit du 21 au 22 novembre, la partie recettes du budget, si savamment marchandée, a été rejetée à la quasi-unanimité des votants : 440 contre, un seul pour et 84 abstentions, les autres députés n’ayant même pas pris la peine de voter.
Les offres de service du PS évincées
Pourtant, le PS en avait rabattu sur sa taxe Zucman, déjà bien timide et censée rapporter quelque 20 milliards en taxant les plus grosses fortunes, dont les 500 plus grandes, à elles seules, cumulent plus de 1 000 milliards de patrimoine. Même la version light proposée par le PS, qui ne devait plus récolter que le quart de cette somme, c’était trop pour que les macronistes lui en fassent la concession. Quant à l’amendement au projet initial du gouvernement, censé « taxer les bénéfices des multinationales », que LFI avait réussi à faire voter avec les voix du PS, du PCF et d’EELV, mais aussi celles du RN (c’est dire à quel point il n’allait pas ruiner les riches !), ce sont les députés macronistes et LR qui y ont vu des « horreurs votées main dans la main par la FI et le RN ».
Exit donc deux semaines de débats et d’amendements.
Faute de vote à l’Assemblée, c’est la version initiale proposée par le gouvernement qui est transmise à l’approbation du Sénat avant de revenir devant l’Assemblée, ce qui se terminera peut-être par une commission mixte, où macronistes et LR sont majoritaires, par l’adoption d’un budget par ordonnances, ou par la reconduction du précédent budget, avec une augmentation de fait du barème de nos impôts en ne revalorisant pas la grille en fonction de l’inflation annuelle : la gamme est vaste des possibilités de piétiner les aspirations populaires. Les grandes lignes en sont 4,7 milliards d’économies sur les budgets des collectivités locales, 17 milliards de réductions des dépenses de l’État pour les services publics, mais un budget militaire à la hausse et toujours autant de subventions de l’État aux entreprises – un rapport du Sénat de jullet dernier les a évaluées 210 milliards tandis que les journalistes auteurs du Grand détournement les ont chiffrés à 270 milliards.
Une « victoire » en forme de menace
Quant à la suspension momentanée de la réforme des retraites qu’avait concédée Lecornu et au nom de laquelle le Parti socialiste comptait justifier son alignement parlementaire sur la Macronie, le Parlement en a effectivement voté le principe le 12 novembre dernier, lors du débat sur le budget de la Sécurité sociale. Elle n’était de toute façon que suspension, pas annulation et retour à la retraite à 60 ans. Certains dans la droite y voyaient même une opportunité de reprendre la question à zéro pour la remplacer par une réforme bien pire. Et pas qu’à droite : c’est ainsi que la CFDT s’est félicitée d’un délai qui permettrait de remettre la question sur la table entre « partenaires sociaux » pour « la mise en place d’une retraite à la carte », cette fameuse retraite à points encore plus injuste dont la CFDT s’est faite depuis longtemps le chantre. C’est le mercredi 25 que le Sénat devrait à son tour se prononcer sur le sujet. Le président de cette assemblée très largement dominée par la droite, Gérard Larcher, a annoncé la couleur : « Le Sénat rétablira la réforme. » Et un autre sénateur LR de renchérir : « Sébastien Lecornu a peut-être donné comme gage aux socialistes cette suspension, c’est un gage […] on entend le supprimer. »
Ce n’est pas au palais Bourbon que ça se passe
Qu’en sera-t-il en fin de course des détails de ce budget et même de cette suspension promise de la réforme des retraites, après les allers-retours des votes budgétaires entre les deux assemblées ?
Mais pour la retraite à 60 ans, l’augmentation générale des salaires, des crédits pour les services publics, les hôpitaux, les écoles, ce n’est ni au palais Bourbon ni à celui du Luxembourg que ça se joue. Ce sera dans la rue, dans nos grèves.
Olivier Belin