
Le site d’Arte a remis en ligne la gigantesque fresque documentaire que Patricio Guzman a consacré sur les années 1972 et 1973 au Chili, derniers mois du gouvernement d’Unité populaire dirigé par Allende, renversé le 11 septembre 1973 par un coup d’État soutenu par les États-Unis.
À l’heure où les partis de la gauche institutionnelle tentent de dévier toutes les luttes sur les terrains parlementaire et électoral, (re)voir ce documentaire en trois volets est absolument essentiel pour illustrer l’impasse du réformisme. Patricio Guzman montre très bien comment, en voulant absolument rester dans le cadre institutionnel bourgeois, et en refusant de s’attaquer concrètement au véritable pouvoir du patronat et au cœur de l’État, notamment l’appareil militaire, l’Unité populaire a creusé elle-même sa propre tombe. Alors que la classe ouvrière et la paysannerie partent à l’assaut de la propriété capitaliste, en occupant les terres des latifundiaires ou en réclamant l’expropriation de grands patrons, de nombreuses scènes permettent de voir comment la bureaucratie des appareils politiques et syndicaux a cherché à canaliser et endiguer cette radicalité. Y compris jusqu’à faire passer l’armée de Pinochet comme un instrument pouvant servir à combattre le patronat, cette même armée qui renversa le gouvernement et instaura une dictature de fer particulièrement meurtrière quelques mois plus tard.
Un documentaire à revoir sur le site d’Arte : https://www.arte.tv/fr/videos/RC-024263/la-bataille-du-chili/
Aurélien Pérenna