
Un sondage du 25 novembre, donnant Jordan Bardella gagnant contre n’importe quel adversaire lors d’une présidentielle, a été repris dans les médias jusqu’à l’indigestion. Que d’honneurs pour le même pas candidat du RN, suspendu au verdict du procès en appel de Marine Le Pen, toujours inéligible après sa condamnation pour détournement de fonds publics. Si une victoire du RN serait lourde de conséquences pour les travailleurs, c’est bien naturellement qu’elle intéresse la bourgeoisie au plus haut point. Un candidat, relativement populaire dans la jeunesse et chez les travailleurs, avec un programme taillé sur mesure pour le grand patronat, c’est inespéré.
Défendre les petits contre… les plus petits
De ses origines poujadistes, du nom du petit patron d’extrême droite Pierre Poujade qui a lancé la carrière de Jean-Marie Le Pen, au parti confortablement installé à l’Assemblée nationale qu’il est actuellement, le FN/RN n’a jamais cessé d’être un parti de la bourgeoisie. S’il a réussi récemment à attirer des franges des classes populaires, c’est en dissimulant sa nature sociale derrière une démagogie populiste et franchement raciste. Mais qu’il se rapproche du pouvoir, et le naturel revient au galop. Quelques jours avant le premier tour des élections législatives de 2024, la suppression de la réforme des retraites disparaissait de son programme. Fin octobre, il proposait un « contre-budget » encore plus pro-patronal que celui de Lecornu avec suppressions d’aides sociales et baisses de subventions pour les associations, à l’image de la politique menée par le RN à l’échelle municipale. Marine Le Pen veut la « respectabilité »… aux yeux de la grande bourgeoisie.
La résignation comme terreau
Quand un député RN du Vaucluse déclare à l’Assemblée que « l’ultrariche est insaisissable » et en appelle au « réalisme », il résume tout le programme de son parti. L’inflation, les licenciements, la précarité, touchent de nombreux foyers de travailleurs, et les luttes collectives peinent à arracher à la bourgeoisie de quoi améliorer notre situation. L’extrême droite cherche à faire accepter ce rapport de forces momentanément dégradé comme un état de fait immuable, et à détourner la colère contre d’autres travailleurs, chômeurs ou migrants, plus faciles à cibler. Derrière la propagande raciste, on trouve toujours la défense de la bourgeoisie.
Il y a quelques années, des grévistes d’Air France nous avaient pourtant rappelé que les ultrariches sont bel et bien saisissables, au moins par la chemise. Si les institutions de la bourgeoisie sont bien peu efficaces contre le grand capital, ça n’est pas une surprise, et ça n’est pas un problème. Contre les idées d’extrême droite et contre les offensives du patronat, c’est par leurs luttes et par leur organisation que les travailleurs peuvent inverser la vapeur.
9 décembre 2025, Dylan Bourrier