Dans le projet de budget 2026 une large majorité du Sénat, de droite et de gauche, a décidé de porter à cinq euros une taxe sur les colis de faible valeur. Cette taxe, qui va encore peser sur les budgets des classes populaires, est présentée comme une entrave à ladite « concurrence déloyale » des plateformes chinoises Temu ou Shein, comme une mesure contre la « fast fashion », pour défendre l’environnement et même les droits des travailleurs surexploités. Rien que ça !
Les sénateurs s’entendent comme larrons en foire pour édicter une taxe protectionniste exigée par le patronat des groupes français et européens menant leur guerre commerciale : grande distribution, grands magasins, patronat du textile ou de la vente en ligne se sont alliés récemment pour engager une action devant les tribunaux contre Shein pour « concurrence déloyale ». De l’avis même d’associations écologistes qui demandaient une loi freinant la « fast fashion », cette taxe ne freinera rien du tout, mais vise à favoriser les groupes comme Décathlon, Zara, Kiabi, Carrefour, ebay et bien d’autres qui exploitent tout autant des salariés en Chine, au Bangladesh ou au Vietnam. Jusqu’à LVMH qui saigne des travailleurs sans-papiers jusqu’à 90 heures par semaine dans des ateliers sous-traitants en Italie pour sa marque de luxe Loro Piana.
Depuis la rentrée, ce patronat mène une cabale contre l’installation de Shein au sixième étage du BHV du Marais à Paris, au nom du made in France et de normes européennes parées de toutes les vertus, du respect de la nature, des droits des consommateurs et des travailleurs. Or, ces grands groupes n’ont pas attendu la concurrence chinoise pour supprimer des milliers d’emplois en France, 37 000 en dix ans, avec des chiffres d’affaires au plus haut.
Frédéric Merlin, PDG du groupe SGM, qui a repris ce BHV et sept Galeries Lafayette, mène lui aussi sa petite guerre pour imposer Shein qui selon lui « sauverait » le magasin du Marais. Or, il y a supprimé 450 emplois en deux ans, mène la vie dure aux salariés et prétend avoir des problèmes de trésorerie pour payer les fournisseurs. Les marques qui viennent de quitter le magasin en poussant des cris patriotards, pour que leur image ne soit pas ternie aux côtés de « l’ultra fast fashion » chinoise, sont surtout parties à cause des impayés !
Du haut de ses 600 millions d’euros de fortune selon le magazine Challenges, de son amitié avec Nicolas Sarkozy avec lequel il a assisté à un match de la Ligue des champions, Frédéric Merlin a organisé une somptueuse fête de Noël rue de Rivoli, malgré l’interdiction des élus de gauche de la mairie de Paris qui disent aussi être « entrés en guerre » contre Shein.
Ni les salariés du BHV qui voient tous les jours leur situation se détériorer – jusqu’à ne plus avoir ni savon ni papier toilette dans le magasin ! – ni les travailleurs chinois déjà durement frappés par ces guerres commerciales ne doivent rien attendre de ces capitalistes et de leurs larbins politiques qui ne défendent que leurs profits et leur place dans l’arène de la concurrence. S’ils veulent défendre leurs conditions de vie, ils devront mener la guerre à leurs patrons dont l’hypocrisie et la rapacité n’a pas de limites.
Anne Hansen