Nos vies valent plus que leurs profits

Services publics rentables : les droits des salariés dans la balance des actionnaires

La Sevesc est une filiale du groupe Suez, qui gère l’eau potable et les eaux usées sur les Hauts-de-Seine, et la zone de Versailles. Les 240 salariés, principalement de terrain, occupent des emplois auparavant tenus par des fonctionnaires territoriaux.

Depuis sa création en 1980, cette filiale n’a fait que grandir et gagner des contrats : au départ, l’eau potable de Versailles, Saint-Cloud et une quinzaine de communes de la zone ouest parisienne. Dans ces fiefs de la droite, les élus ont confié ce juteux marché qui s’ouvrait à un actionnariat mixte : moitié Lyonnaise des Eaux (aujourd’hui Suez), moitié Générale des Eaux (aujourd’hui Veolia). Ce type d’arrangement s’est développé dans une douzaine de villes en France, et en 2010, les deux géants Suez et Veolia qui les avaient avalés ont dû y mettre fin et se disputer les contrats.

Depuis cette date, Suez a fait subir aux salariés de la filiale divers plans de mutualisations des services dits supports : RH, Compta, Sécurité, clientèle, ordonnancement, supervision, cartographie, tous regroupés au siège régional. Le loyer est directement payé aux actionnaires. Un paquet de fric qui s’ajoute aux bénéfices de la filiale, 10 millions d’euros par an pour seulement 230 salariés.

Aujourd’hui, Suez/Sevesc a perdu la gestion du contrat d’assainissement de la région de Versailles, et une trentaine de salariés doivent être transférés à la Saur, groupe qui détient 20 % du marché de l’eau privatisée en France.

Comme pour toute perte de marché, les conditions de reprises sont minimalistes pour les salariés, et, sans bagarre, c’est le minimum de la Convention Collective Nationale qui est appliquée… Quant à l’entreprise sortante, elle s’en lave les mains et peut licencier tous ceux qui refuseraient.

Les collègues ont confié au syndicat le soin de négocier une base minimale pour leurs conditions de reprise. Les plus anciens sont secoués par la nouveauté du transfert, d’autres sont fatalistes. Les assemblées de travailleurs n’ont pas abouti à une organisation à la base pour vraiment faire pression sur les patrons et le donneur d’ordres, les collectivités.

Les élus espèrent peut-être se cacher derrière les patrons et vice-versa ? Cela ne leur évitera ni aux uns ni aux autres des visites devant la mairie ou le siège, des articles au vitriol dans la presse quand nous, salariés essentiels, viendrons réclamer des embauches, dénoncer nos conditions de salaire indignes et les manquements à la sécurité au travail. C’est dans ces moments de lutte que les travailleurs du public ou du privé sont maîtres de leur destin.

Correspondant