Nos vies valent plus que leurs profits

Le dernier lien vivant avec le bolchevisme n’est plus

Vendredi dernier, 16 juin, Esteban Volkov Bronstein, « Sieva », petit-fils de Trotski, est décédé à l’âge de 97 ans.

Sieva a consacré son énergie et sa passion à défendre les idées et l’œuvre de son grand-père ainsi que la révolution bolchevique de 1917. Dès son enfance, sa vie a été marquée par la tristement célèbre répression du stalinisme. Il est devenu orphelin à l’âge de 7 ans. Son père, Platon Volkov, a été déporté en Sibérie et exécuté. Sa mère, Zinalda Bronstein, quitte la Russie avec Esteban (le régime l’oblige à laisser dans le pays son autre fille, dont il ne reste aucune trace ultérieure) et se suicide en janvier 1932. Accueilli en France d’abord par son oncle Léon Sedov, Esteban traverse diverses épreuves, dont la mort de Léon Sedov. Il est ensuite recueilli par les amis de Trotski, Marguerite et Alfred Rosmer, qui prennent soin de l’enfant et l’emmènent au Mexique, où il est accueilli par son grand-père et Natalia Sedova. Trotski et Natalia résidaient au Mexique, seul pays qui leur accordait l’asile, dans lequel le président Cárdenas s’impliqua personnellement, malgré l’opposition virulente des staliniens et du dirigeant de la bureaucratie des syndicats, Lombardo Toledano.

Trotsky savait, et il l’a dit à maintes reprises, que sa mort violente des mains du stalinisme pouvait avoir lieu à tout moment. Esteban a également partagé ce cercle de la mort, dans la maison de la rue Viena au numéro 19. Le 24 mai 1940, une bande d’hommes armés dirigée par le grand muraliste Siqueiros a mitraillé la maison et la chambre de Léon et Natalia. Esteban fut blessé, les balles n’étaient pas passées loin. Le 20 août, il rentrait de l’école lorsque le meurtrier, Ramón Mercader, blessa mortellement son grand-père, qui parvint tout de même à dire qu’ils « emmènent l’enfant » pour qu’il « ne voie pas mon visage ensanglanté ».

Il est remarquable de voir comment Sieva a pu traverser cette immense tragédie causée par le stalinisme. Il a vécu au Mexique toute sa vie, est devenu ingénieur chimiste et a participé au développement des premiers contraceptifs.

En même temps, il a passé sa vie à défendre l’héritage de son grand-père et de ses compagnons, à défendre la révolution d’Octobre et à dénoncer la barbarie de Staline, qui usurpait l’héritage des bolcheviks et les fit assassiner. Sieva était disponible pour une réunion, un colloque, une cérémonie, où que ce soit. Il n’a pris parti pour aucune des factions et organisations trotskistes dans le monde, mais il a aidé chacune par son activité.

Grâce à ses efforts, la maison rue Viena au numéro 19 devint le musée « Casa de León Trotsky » et le siège de l’Institut pour le droit d’asile. On y trouve la tombe du fondateur de l’armée rouge et, depuis 1962, les cendres de Natalia Sedova, décédée à Corbeil-Essonne dans la maison de Marguerite Rosmer.

Comme l’indique la déclaration du Comité éditorial des communistes de Cuba : « L’humanité vient de perdre l’un des derniers vestiges vivants de l’histoire bolchevique. »

Tristan Katz