Nos vies valent plus que leurs profits

À Boeing, la grève continue

Commencée le 13 septembre dernier par un vote à 96 % des 33 000 salariés de Boeing syndiqués dans l’Association internationale des machinistes (AIM), la grève paralyse depuis les chaînes d’assemblage d’avions des usines de la région de Seattle.

Poker menteur…

Le cabinet Anderson Economic Group estime les pertes liées à la grève à près de 4 milliards de dollars, même 5 si on y ajoute celles des sous-traitants. La direction de Boeing se sert de cet argument pour décrire un groupe au bord du gouffre et lancer une sommation aux grévistes avec son « ultime » proposition – 30 % d’augmentation des salaires sur quatre ans – en l’annonçant par-dessus la tête des négociateurs syndicaux. Les grévistes y ont vu à juste titre une tentative pour les diviser, et cela les a mis en colère.

… et pressions patronales

Sous leur pression, l’AIM a refusé la proposition patronale. La direction a alors rompu les négociations, puis annoncé vendredi 11 octobre le licenciement de 17 000 salariés du groupe, soit 10 % de l’effectif. La manœuvre rappelle celle des patrons américains de l’automobile. Contraints par une grève mémorable il y a un an à augmenter les salaires d’au moins 40 % et à supprimer les grilles salariales plus faibles pour les nouveaux embauchés – certains avaient carrément doublé leur salaire ! –, ils multipliaient les plans de licenciement au début de 2024.

Boeing a en outre coupé l’accès des 33 000 grévistes à la mutuelle santé de l’entreprise, qui doivent maintenant payer de leur poche tous leurs frais médicaux ou s’inscrire aux programmes d’État de couverture santé minimum le temps de la grève…

Les grévistes veulent reprendre ce que Boeing leur a volé

Pourtant, même faiblement indemnisés à 250 dollars la semaine par la caisse de grève, les grévistes tiennent bon. Loin de nier les difficultés de l’entreprise, ils pointent la responsabilité des dirigeants qui ont sacrifié au profit la qualité de la production. Une série d’accidents a terni la réputation des avions qu’ils fabriquent. Ils revendiquent d’ailleurs l’augmentation du nombre des « inspecteurs syndicaux » qui exercent déjà un certain droit de regard sur la qualité des pièces et de leur assemblage. Surtout, ils tiennent à leur revendication de 40 % d’augmentation. Leurs salaires n’ont augmenté que de 8 % en dix ans, alors que l’inflation a gonflé en moyenne de 25 % les prix alimentaires et de 54 % ceux du logement.

Par le passé, les leaders syndicaux de l’AIM ont montré leur capacité à signer des accords défavorables aux ouvriers. Cette fois, les ouvriers de Boeing pourraient bien montrer leur capacité à arracher leur dû.

Mathieu Parant