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À partir du 7 mars : dans l’Éducation, toutes les raisons d’entrer en grève reconductible contre le gouvernement et sa politique !

Le secteur de l’éducation a constitué un des gros contingents de grévistes des 19 janvier et jours suivants. Les indicateurs montrent que le 7 mars devrait également être suivi ; toutefois, la perspective de la grève reconductible est encore à construire.

Pensions de retraite, salaires… : toujours moins pour toujours davantage de boulot !

Rien d’étonnant à ce que le 19 janvier, les taux de grève aient été particulièrement importants dans l’Éducation nationale. En effet, pour la majorité des enseignants et enseignantes, qui bien souvent commencent à travailler à 26, 27 ans ou plus, la réforme Borne signifie qu’ils et elles devront partir à 67 ans minimum pour toucher une retraite à taux plein. Or, notamment avec la dégradation considérable des conditions de travail ces dernières années, la plupart d’entre eux partent, à l’heure actuelle, avant même l’âge de départ à taux plein, avec une décote. La réforme va donc signifier une baisse conséquente de leur pension.

Cette baisse programmée des pensions vient s’ajouter à la très forte baisse du pouvoir d’achat subie par cette catégorie ces dernières années. Un rapport du Sénat de décembre 2021 estimait que ces 20 dernières années, les enseignants ont perdu entre 15 et 20 % de pouvoir d’achat en euros constants. Alors qu’un enseignant touchait en moyenne en début de carrière 2,3 fois le Smic en 1980, il doit aujourd’hui se contenter de 1,2 fois. Même si la majorité des enseignants gagnent relativement bien leur vie, en comparaison avec l’ensemble des travailleurs et travailleuses, une frange croissante connaît des difficultés semblables à celles que peuvent connaître d’autres couches de la classe ouvrière. Et cela, c’est évidemment sans parler des autres catégories de personnel de l’Éducation nationale : AED (surveillants), AESH (Accompagnants d’élèves en situation de handicap), agents de nettoyage… pour qui le quotidien sont la précarité et la misère. Dans les salles des maîtres, les salaires restent une préoccupation majeure. La revalorisation du point d’indice de 3,5 % en juillet 2022, ne couvrant même pas l’inflation, avait déjà été perçue comme une provocation. Mais dernièrement, c’est le « pacte enseignant » de Pap Ndiaye qui a provoqué l’indignation d’une bonne partie des collègues. Ce pacte consiste à augmenter de 72 heures annuelles le temps de travail devant élève, soit environ de 10 %, avec comme contrepartie une augmentation de salaire de 10 %… Un pacte qui ne constitue donc aucunement une augmentation de salaire, mais au contraire un alourdissement de la charge de travail.

Une dégradation considérable des conditions de travail !

Du point de vue des conditions de travail pour les enseignants et d’étude pour les élèves, c’est toujours la même logique sous Pap Ndiaye que sous Blanquer : toujours plus de suppressions de postes. Sous le quinquennat Blanquer, rien que dans le second degré, ce sont 7900 emplois qui ont été supprimés, soit l’équivalent de 175 collèges. Les médias ont d’ailleurs titré l’été dernier sur la pénurie de profs dans tous les secteurs, écoles, collèges, lycées généraux ou professionnels… Et pourtant, Pap Ndiaye a encore programmé 2000 suppressions de postes pour la rentrée prochaine ! C’est une véritable saignée sur tout le territoire. Sur Paris, ce sont carrément des lycées entiers qui ferment : sept pour 2023, deux de plus pour 2024.

Les classes s’alourdissent donc, avec des effectifs toujours plus pléthoriques – malgré les discours ministériels sur le prétendu effort fait pour le premier degré. Des classes toujours plus chargées, cela signifie des conditions d’étude dégradées pour les élèves, et un alourdissement de la charge de travail pour les enseignants et enseignantes. En effet, ce n’est pas le même temps passé à corriger 24 copies que 31, 32 voire plus ! Et cela alors que les salaires n’augmentent pas ! Comment s’étonner de la difficulté à recruter ?

Dans le même temps, les réformes successives dégradent toujours plus le métier. Après la réforme du lycée et du bac, qui ont éclaté les « groupes classes », provoqué une course à l’échalote pour préparer aux épreuves du bac désormais fixées en mars, démoli les services des collègues, c’est la réforme du lycée professionnel qui provoque un grand chambardement dans ces établissements. Elle va provoquer la disparition de centaines de postes, ce que le ministère a anticipé en publiant un décret permettant de faciliter les mutations du lycée pro vers le lycée général et technologique et le collège… Au même moment, le ministère annonce, par voie de presse, la suppression de la technologie en 6e : là encore ce sont des centaines d’heures qui disparaissent, donc des postes menacés, des collègues qui se voient mutés sur plusieurs établissements…

Pour les autres catégories de personnel, les conditions de travail sont toujours plus terribles. Au niveau des communes, des départements et des régions (qui ont en charge l’entretien des locaux), les sous-effectifs sont chroniques chez les agents de nettoyage. La dureté des conditions de travail conduit à de nombreux arrêts maladie, qui ne sont jamais remplacés, et les administrations tentent de faire reposer la surcharge de travail sur les agents qui sont présents. Du côté des AESH, la dernière réforme des « pôles inclusifs d’accompagnement localisés » (Pial) provoque une nouvelle déréglementation, avec des agents qui voient leur service partagé sur plusieurs établissements. Les « aides mutualisées » obligent les AESH à devoir suivre plusieurs élèves en même temps, ce qui empêche leur réel suivi et complique considérablement le travail des agents.

Un mouvement profond qui révèle l’état de colère du secteur

C’est la révolte contre cet état de délabrement avancé du secteur qui s’est exprimée le 19 janvier, avec des taux de grève historiques : 65 % dans le second degré, 70 % dans le premier, selon les syndicats. Le ministère lui-même, pourtant habitué à minorer énormément les chiffres de grève, a dû communiquer des chiffres de 42 et 34 %, soit des taux très importants.

Ce qui est significatif également, c’est le nombre important d’employés de l’éducation qui ont participé aux manifestations. Le 19, le 31 janvier, le 9 février, chaque fois, des cortèges significatifs d’établissements ont grossi les rangs des manifestants. À Paris, à la manifestation du 9 février, c’est un énorme cortège auto-organisé rassemblant un bon millier de collègues qui a défilé, avec des banderoles et des slogans faisant le lien entre les revendications sectorielles et la lutte contre la réforme des retraites, et plus généralement contre le gouvernement.

Cette mobilisation vient de loin. Souvent, les AG qui se réunissent, malgré leur faible nombre, sont lancées par des équipes qui se sont organisées au cours des bagarres de ces dernières années contre le gouvernement Macron et le ministère Blanquer : grève du bac de 2019, grève des retraites de 2019, grève des E3C (épreuves anticipées du bac), grèves au moment du confinement…

Construire le 7 mars… et sa reconduction

Face à la mobilisation des collègues, les directions syndicales ont proposé des perspectives à minima, limitées à la participation aux journées de mobilisation. Non seulement les journées au coup par coup de l’intersyndicale nationale ne permettent pas de construire réellement la grève, mais au niveau du secteur de l’éducation, les directions n’ont pas la volonté de réellement chercher à faire le lien entre la réforme des retraites et les autres attaques contre le secteur. Dans la principale fédération, la FSU, un certain nombre de sections départementales appellent à reconduire ; mais au niveau national, la direction n’a défendu pour l’instant qu’une manifestation le samedi comme suite aux 7 et 8 mars.

De plus, comme dans tous les secteurs, il est difficile de réunir des AG, qui souvent regroupent peu de monde. Toutefois, dans certaines régions, des regroupements et des reconductions ont eu lieu. Ainsi, à Toulouse, l’AG éducation qui ne s’était pas réunie depuis 2019, a réuni plus de 200 personnes le 19 janvier ; à Bordeaux, le même jour, 120 collègues se sont regroupés ; sur le 93, le 30 janvier, une AG intersyndicale a réuni 90 personnes, et a permis d’organiser la reconduction sur une quinzaine d’établissements… Cela montre que lorsque des équipes ont la volonté de réunir des AG, cela est non seulement possible, mais c’est le seul moyen d’organiser effectivement la reconduction de la grève. En effet, le milieu enseignant est, comme d’autres, très éparpillé : entre secteurs primaire, secondaire, supérieur, entre différents établissements… Il est donc à la fois difficile, mais aussi impératif, de réunir les collègues pour discuter et construire collectivement le mouvement, discuter des liens à établir avec les autres catégories de travailleurs, et non pas simplement suivre les appels syndicaux. De nombreux enseignants, syndiqués ou non syndiqués, peuvent être favorables à ce souci de se coordonner et de discuter démocratiquement du mouvement et de ses suites. Certains militants syndicaux, à la base, également. Mais il serait vain d’attendre que les appareils syndicaux l’organisent, tant leur préoccupation de garder le contrôle du mouvement est forte… Comme dans les autres secteurs. Ces tentatives de se coordonner reposent donc sur les militants à la base, et en premier lieu les militants révolutionnaires.

C’est pourquoi, pour construire la grève du 7 mars et sa reconduction, il est très important de réunir ces AG et ces coordinations. À Grenoble par exemple, l’AG éducation ayant réuni plus d’une quarantaine de collègues appelle à reconduire le 8 et 9 mars, et à rythmer ses journées par des rassemblements devant le rectorat contre la casse des moyens dans les REP et par une nouvelle AG des grévistes de l’éducation. Il faut lister les revendications, et faire le lien entre les retraites et les revendications sectorielles. Contre les milliers de suppressions de postes et fermetures de classes, des rassemblements devant les rectorats et les DSDEN ont déjà eu lieu, des grèves d’écoles et d’établissements également : il faut chercher à regrouper ces initiatives, et à les intégrer à la mobilisation actuelle dans une bagarre générale contre le gouvernement et le patronat.

Commission Éducation nationale du NPA