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Algérie : une présidentielle anticipée dans un contexte d’inflation et de durcissement autoritaire

Capture d’écran : le président Tebboune annonce avancer l’élection présidentielle

L’élection présidentielle qui devait se tenir en décembre de cette année est, à la surprise générale, avancée à septembre. Pour quelle raison ? Lors de son entretien télévisé du 30 mars, le président Tebboune a invoqué « des raisons purement techniques » pour justifier sa décision, rappelant que la précédente élection présidentielle de décembre 2019 devait avoir lieu quelques mois avant, programmée à l’époque par les autorités mais empêchée par les mobilisations des masses pendant le mouvement Hirak.

Cependant, « raisons techniques » ou pas, le choix de la date est fait pour rajouter une difficulté supplémentaire à celles déjà nombreuses pour mener une campagne politique en plein mois d’août, mois de canicule, d’incendies, de coupures d’eau et aussi de vacances.

Une élection verrouillée par des règles du jeu déloyales

Si ces difficultés ne sont pas insurmontables pour des militants, il reste un obstacle structurel qui est celui du musellement des libertés qui empêche de mener des activités dans la rue, les quartiers, les entreprises… afin de mieux faire connaitre ses idées et propositions. Le droit de manifester est interdit, il obéit encore à la loi du rapport de force, idem pour le droit de se syndiquer ou de créer un parti.

Comment peut-on dans ces conditions contrer le discours et la propagande du pouvoir quand on ne peut librement s’exprimer, manifester, faire grève, s’organiser ? Tandis que le président, ses ministres squattent télés et journaux et déploient leur programme.

L’accès aux médias publics, payés pourtant par les contribuables et censés s’ouvrir à tous les courants politiques, est interdit à l’exception de certaines courtes périodes d’ouverture, et les médias privés font dans la promotion de l’opposition libérale quand ils ne s’alignent pas sur le discours du pouvoir.

Les règles du jeu sont tellement déloyales que l’élection n’est de fait pas démocratique, ce qui entache largement sa crédibilité. Ce qui explique en partie le peu d’intérêt que lui portent les masses qui boudent les différents scrutins électoraux qui connaissent des taux d’abstention de plus en plus importants, qui ne suscitent ni enthousiasme ni illusions d’ailleurs.

Globalement les élus sont perçus comme des représentants d’institutions qui ne se soucient pas des problèmes quotidiens des classes populaires qui font face actuellement à de multiples difficultés : les fins de mois difficiles, le chômage, et surtout l’inflation qui préoccupe l’écrasante majorité de la population.

Une inflation galopante qui érode le pouvoir d’achat

Si l’on se fie aux statistiques officielles et à ce qu’a déclaré le président lors de son entretien, le taux d’inflation serait de 8 %. Mais des produits comme les fruits, les légumes et les œufs ont vu leur prix doubler. Les Algériens aux bourses modestes ont renoncé depuis longtemps à consommer de la viande, hors de prix, et se sont rabattus sur les œufs et le lait comme produits de substitution. Un plateau d’œufs qui coûtait 300 dinars en 2019 s’est vendu l’année passée à 600 dinars algériens (DA) pour redescendre à 450. La pomme de terre (de 45 DA à 90 DA) a connu une hausse de 100 %, les légumes secs (lentilles, haricots blancs, pois chiches, riz…) ont connu la même hausse vertigineuse. Ce qui empêche encore en partie l’effondrement du pouvoir d’achat est le maintien du système de subvention des produits de large consommation, de l’électricité et des carburants ainsi que le maintien des solidarités familiales qui atténuent quelque peu les effets de l’inflation.

Et puis il y a les luttes des travailleurs et les révoltes de la jeunesse des quartiers, qui imposent des augmentations salariales (le SNMG, ou smic local, est de 20 000 DA – environ 140 euros) ou l’accès gratuit au logement social qui font que les petites gens ne sont pas livrées seules aux aléas du marché. D’ailleurs une augmentation des salaires a été annoncée et promise par le président pour 2026, sans que l’on sache quels secteurs et quels salariés seraient concernés ni à combien elle s’élèverait. C‘est une façon pour Tebboune de créer de l’attente et de lâcher du lest comme il l’a fait deux ans auparavant en instituant une allocation chômage pour les jeunes.

Mais ces mesures inconséquentes ne peuvent venir à bout de l’inflation. Car les circuits de distribution sont confiés par l’État à des grossistes et distributeurs privés qui n’ont pour horizon que le profit et qui spéculent sur tous les produits au détriment du consommateur ainsi que des paysans qui labourent leurs terres. À titre d’exemple, un agriculteur de Biskra qui vend à un grossiste toute sa récolte de poivrons à 15 DA le kilo le retrouve sur le marché à 150 DA, soit dix fois son prix. Toute la différence est empochée par ces intermédiaires parasites qui ne produisent pourtant rien.

Les petits agriculteurs sont obligés de vendre à ces grossistes qui leur prennent toute leur récolte, d’une part parce qu’ils ont besoin d’argent pour subvenir à leurs besoins, et d’autre part parce qu’ils ne disposent pas de moyens pour la stocker contrairement à ces gros commerçants. La spéculation à l’origine de ces augmentations des prix est elle-même le fruit amer des politiques de libéralisation de l’économie qui ont touché le commerce extérieur et intérieur et ont octroyé à des patrons locaux le pouvoir exorbitant de décision sur ce que nous mettons dans nos marmites et assiettes.

Mettre l’accent sur toutes ces questions et les développer peut être fait lors de cette campagne électorale qui débutera officiellement dès la convocation du corps électoral en ce début de juin.

De l’utilité de se saisir de la tribune qu’offre l’élection présidentielle

La présidentielle offre la possibilité de parler de questions politiques nationales et internationales. Il y a beaucoup à dire sur les institutions élues, mais beaucoup aussi sur tous ces patrons non élus qui détiennent du pouvoir. Changer de président, de gouvernement ou de Parlement sans s’attaquer au pouvoir de ces patrons ne peut servir qu’à changer la façade, l’édifice restant le même. C’est pourquoi il est utile de saisir l’opportunité de l’élection, en dépit de toutes les difficultés et des multiples règles anti démocratiques, pour mettre en avant un programme de lutte et des mots d’ordre qui expriment les intérêts des travailleurs et des classes populaires. Une participation pour faire entendre le camp des travailleurs et un programme de lutte pour le socialisme.

Correspondant à Alger