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Allemagne : derrière la crise politicienne, une vague de licenciements, annonciatrice d’un bras de fer entre travailleurs et patrons

La coalition gouvernementale allemande SPD-Verts-Libéraux a explosé le 6 novembre. Un vote de confiance aura lieu en janvier, suivi a priori d’élections anticipées. Une crise politique qui fait la une des médias. Mais, derrière les péripéties institutionnelles, la vraie crise est sociale : une vague de licenciements déferle sur le pays.

Les travailleurs de l’industrie allemande touchés

L’annonce par Volkswagen de la suppression de dizaines de milliers d’emplois et de la fermeture de trois sites a fait l’effet d’une bombe. Les difficultés de Volkswagen sont en réalité très relatives : 22,5 milliards d’euros de bénéfice en 2023 – un record. Mais le chiffre d’affaires du premier semestre a chuté de 5 % et la baisse du nombre de véhicules produits rend une partie des énormes infrastructures de l’industrie automobile inutiles.

Le recul de la production entraîne les sous-traitants : 14 000 postes supprimés chez ZF Friedrichshafen, 3000 chez Bosch, 1000 chez Continental. Un cabinet d’expert estime que soixante sous-traitants de l’automobile feront faillite en 2024, le double de 2023.

Le syndicalisme de cogestion à l’épreuve des attaques

Après de premières réactions sur le mode combatif, la direction d’IG Metall semble s’être assagie. La présidente du Betriebsrat (CSE à l’allemande) insiste sur « les décennies de volonté de compromis des salariés et de la participation active à la rentabilité du groupe ». Un autre syndicaliste haut placé d’Osnabrück – site que la direction veut fermer – résume ainsi le rôle d’IG Metall : « Il s’agit aussi de ramener un peu de calme. Les collègues ne peuvent pas croire tout ce qui est envoyé sur des groupes. » Calmez-vous, on négocie !

L’heure est pourtant à des mobilisations. 16 000 salariés ont manifesté lors de l’assemblée générale de Volkswagen à Wolfsburg, 10 000 autres attendaient devant les portes. Plus de 20 000 salariés de ZF Friedrichshafen ont manifesté dans une dizaine de villes. Dans la sidérurgie, des salariés de ThyssenKrupp ont manifesté et bloqué le siège à Duisburg.

Il en faudra bien plus face à ce rouleau compresseur. Mais si la bourgeoisie allemande détient, grâce à la puissante bureaucratie syndicale, un extincteur social à portée de main, la situation pourrait bien s’enflammer, avec un prolétariat industriel fort de plus de 5 millions de salariés – dont 2,14 millions organisés dans IG Metall.

12 novembre 2024, Dima Rüger

 

 

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