(Manifestation de solidarité avec la Palestine à Berlin, le 4 novembre, et capture d’écran de « l’allocution » de Habeck du 2 novembre.)
Dans une allocution très médiatisée le 2 novembre, le « super-ministre » Robert Habeck, des Verts, qui cumule le poste de ministre de l’Écologie et de… l’Économie, a annoncé la couleur : « La défense d’Israël est la raison d’État de l’Allemagne. » La conclusion est facile : s’opposer aux massacres à Gaza, c’est déjà à deux doigts de la haute trahison.
Comme en France, des milliers de manifestants ont pourtant imposé le droit d’exprimer leur solidarité avec les Palestiniens en bravant les interdictions, notamment sur la Sonnenallee berlinoise, dans un quartier marqué par l’immigration palestinienne, où de petits affrontements quasi-quotidiens face à une armada policière ont fini par déboucher sur une première grande manifestation, il y a deux semaines. Depuis, des manifestations de milliers, voire dizaines de milliers, se succèdent, à Berlin et dans d’autres grandes villes. Il était donc nécessaire pour le gouvernement de tenter remettre les pendules à l’heure.
Habeck s’est montré à la hauteur de son statut de star du parti écolo : il revendique une « forte réponse politique aux manifestations islamistes à Berlin », et a bien précisé ce qu’il voulait dire : des sanctions juridiques pour les citoyens allemands coupables de paroles antisémites – ce qui va jusqu’à l’interdiction des keffiehs dans les écoles berlinoises, et du slogan « Free Palestine » dans les manifestations ! Et pour les étrangers, encore moins compliqué : l’expulsion pure et simple. Tout cela alors que la coalition gouvernementale entre sociaux-démocrates, verts et libéraux s’engage dans une discussion de refonte du droit d’asile. Et Habeck n’a pas oublié une mention spéciale pour le « mouvement écolo », accusé d’antisémitisme après des déclarations de Greta Thunberg soutenant la Palestine ; comme pour la « gauche politique », tout particulièrement l’extrême gauche, seule force, bien que fort petite, à ne pas emboîter le pas à la propagande gouvernementale.
Si une partie de la jeunesse pouvait encore avoir des illusions dans les Verts, boostés un temps par les manifestations « Fridays For Future », ou dans la gauche gouvernementale, les écolos gouvernementaux eux-mêmes se chargent de les faire tomber. L’ancien « parti de la paix », après avoir poussé pour des augmentations record du budget militaire, instrumentalise maintenant l’antisémitisme au nom de la politique de l’impérialisme allemand, avec le même son de cloche que l’extrême droite, et menace les immigrés d’expulsion. Décidément, il faut des lunettes de plus en plus perfectionnées pour distinguer les couleurs politiques en Allemagne… Mais disons aussi que la situation s’éclaircit !
Dima Rüger, 5 novembre 2023