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Après la décision du Conseil constitutionnel : continuer à combattre la loi Darmanin

Sur 86 articles composant la version finale de la loi, le Conseil constitutionnel en a censuré 35.

L’introduction d’une « préférence nationale » dans l’accès aux allocations familiales ou aux APL a été censurée. Tout comme le durcissement de l’accès au regroupement familial ou la délivrance d’un titre de séjour pour « étranger malade », la caution demandée aux étudiants étrangers pour prévoir leur retour, la fin de l’automaticité de l’obtention de la nationalité française pour les enfants nés en France de parents étrangers ou le « délit de séjour irrégulier ».

Le Pen avait revendiqué une « victoire idéologique ». De quoi être soulagés, après la censure des mesures les plus marquées à l’extrême droite ? Malheureusement pas. La loi, telle qu’elle a été promulguée, reste la plus répressive à l’égard des étrangers depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Darmanin s’est d’ailleurs félicité de ce que la version définitive de la loi correspondait au texte initialement voulu par le gouvernement.

Cette loi entérine d’importants reculs sur le droit d’asile, déjà bien mal en point en France, qui a le taux de rejet des demandes le plus élevé d’Europe : 70 % de refus. Avec la nouvelle loi, le traitement des demandes d’asile se fera sur un mode toujours plus expéditif, dans le but d’augmenter encore les refus et de rendre plus difficile tout recours. Des « pôles territorialisés » de l’asile en France seront créés au niveau local, directement sous la coupe des préfectures. Dans les cours d’appel en régions, les exilés auront affaire à du personnel beaucoup moins spécialisé pour juger du bien-fondé de leur demande et pourront manquer d’interprètes. La loi systématise le recours au « juge unique », remplaçant une formation collégiale de trois juges, dont un membre du Haut Commissariat aux réfugiés. L’accès aux conditions matérielles d’accueil (aide au logement, etc.) pour les exilés est rendu encore plus difficile, alors que de nombreux réfugiés sont d’ores et déjà à la rue. Enfin, la loi prévoit une obligation de quitter le territoire français (OQTF) systématique pour tous les déboutés du droit d’asile. Des personnes venant d’arriver en France pourront se voir placées immédiatement en centre de rétention, sans avoir eu le temps de faire leur demande d’asile. C’est donc depuis les centres de rétention qu’elles feront leur demande… On imagine dans quelles conditions.

Cette loi prévoit de nombreuses autres mesures répressives envers les étrangers, que le Conseil constitutionnel n’a pas censurées. Ainsi la création d’un fichier des mineurs étrangers soupçonnés d’être des délinquants ou la possibilité d’expulser des personnes arrivées en France avant 13 ans, qui équivaut au rétablissement d’une « double peine ». La régularisation de salariés de métiers dits « en tension » avec pouvoir discrétionnaire du préfet, qui peut donc accepter ou refuser selon son bon plaisir, est aussi validée.

Cette loi constitue donc une attaque sans précédent vis-à-vis des personnes étrangères. De plus, 32 articles censurés par le Conseil constitutionnel l’ont été au motif qu’ils étaient sans rapport avec la loi initiale. Rien n’empêche donc qu’ils soient proposés dans de nouveaux textes…

Les partis de gauche PS et Verts, ainsi que les directions syndicales CGT et CFDT, avaient appelé à manifester le 21 janvier contre la loi telle qu’elle avait été adoptée à l’Assemblée – un appel qu’ils avaient tenu à bien séparer de ceux des collectifs de travailleurs sans-papiers. Sans surprise, cette gauche, qui refuse la moindre solidarité avec ceux qui se battent pour la régularisation, a plié les gaules, apparemment satisfaite de la censure très partielle du Conseil constitutionnel.

Mais le combat continue : samedi 3 février, des manifestations ont eu lieu à Paris, Marseille et dans bien d’autres villes pour dénoncer cette loi, d’autres mobilisations sont en préparation.

Lydie Grimal

 

 

(Article paru dans Révolutionnaires numéro 10, février 2024)