Une première saison touchante et encourageante
Le premier épisode d’Arcane annonçait les prouesses visuelles de la série. Elle s’ouvrait sur la vue de deux orphelines titubant dans les décombres d’une insurrection manquée, au cœur d’une fumée rouge enveloppant le pont reliant la cité minière de Zaun à Piltover, sa jumelle impérialiste.
Piltover est présentée comme une cité-État régie par un conseil de marchands et d’aristocrates dont la grandeur et le progrès scientifique sont permis par l’exploitation de matières premières et de la force de travail de Zaun. La direction de cette dernière tombera rapidement entre les mains d’une bourgeoisie mafieuse aux velléités nationalistes qui ne l’empêchent pas de trouver des ententes avec les « enforceurs », les détachements armés de Piltover.
Dans cette première saison, on explorait les bidonvilles de Zaun, ses ruelles délabrées, ses mines et ses casinos à travers les yeux de Vi, une des deux orphelines du prologue maintenant âgée d’une vingtaine d’années. Fraîchement sortie de prison, elle entreprend de retrouver sa sœur, perdue depuis une décennie. Elle sera secondée dans son entreprise par une aristocrate en rupture avec son milieu familial ; et par un ami d’enfance dirigeant une petite poche de résistance ayant fait le choix d’une intervention haute en couleur basée sur le sabotage des routes commerciales de Piltover et des opérations de la mafia zaunienne. Nous découvrions cette mafia de l’intérieur, à travers la sœur perdue de Vi, Powder, ayant trouvé dans le parrain un père adoptif et entretenant avec lui une relation dysfonctionnelle, entre confiance, affection et manipulation.
Tout en découvrant les rouages de ce monde fictif, l’intrigue restait resserrée autour des deux orphelines du prologue, Vi et Powder. Cette histoire de deux sœurs à la quête l’une de l’autre servait de cœur émotionnel à la saison et l’espoir entretenu sur les perspectives de leurs retrouvailles et de leur réconciliation était un miroir efficace aux espoirs que nourrissent d’autres personnages en un futur où la population de Zaun pourrait sortir du joug impérialiste.
Une seconde saison qui se perd sur le chemin d’enjeux grandiloquents
En 2021, Arcane proposait des histoires touchantes et des personnages qui luttaient malgré les défaites et les déconfitures, en 2024 elle reste un spectacle visuel impressionnant mais néglige les motivations de ses personnages et abandonne toute finesse dans la présentation des relations entre les acteurs de chaque côté du pont.
Les conséquences du final de la saison 1 sont bouclées en trois épisodes durant lesquels on voit surgir un État impérialiste en crise employant des moyens de répression inédits. Ce virage bonapartiste de l’État, hautement probable au demeurant, est présenté comme un faux-pas, une erreur de parcours des dirigeants de Piltover manipulés par une puissance étrangère. En conséquence, on note une complaisance dérangeante de la narration envers des personnages faisant le choix des armes chimiques contre la population de la basse-ville. Peu d’attention est portée aux habitants de Zaun, présentés comme une masse victimaire passive traversée par des guerres intestines, dont la seule perspective est l’arrivée d’une figure révolutionnaire à leur rescousse. Trois épisodes ne suffisent pas à peindre une image saisissante et cohérente de la situation, et certaines évolutions de l’intrigue paraissent forcées et artificielles. La série nous donne l’impression d’une succession de tableaux distincts plutôt qu’une narration fluide.
Cela nous amène au deuxième problème de cette saison : la volonté de présenter des enjeux trop grands pour la série. Dans un effort pour dépasser les attentes posées par la première saison, mais aussi pour annoncer les prochaines séries du studio, le conflit entre les classes sociales et l’étude des personnages incarnant cette lutte sont poussés à l’arrière-plan, pendant qu’une organisation secrète de mages tirant les ficelles de la politique d’un continent ainsi qu’une figure messianique aux pouvoirs cosmiques sont poussés dans la lumière.
Tout le temps accordé à la lutte contre la fin du monde n’est pas passé à explorer les perspectives d’émancipation de Zaun, qui seront balayées d’un revers de la main pour nous offrir au final une union sacrée entre des camps antagonistes suivie d’une vague réforme pour faire entre une figure controversée de Zaun au conseil de la ville de Piltover.