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ArcelorMittal, quelle que soit la revendication : comment l’imposer ?

Ce 20 juin se tenait à Dunkerque un meeting de lutte à ArcelorMittal, qui menace près de 650 emplois sur tout le territoire. Ceux de Dunkerque ont été rejoints par des salariés du site voisin d’ArcelorMittal Mardyck ainsi que de la chimie : Versalis (ex-Copenor), DK6 et bien d’autres venus de toute la France. Des actions, débrayages et rassemblements étaient prévus ailleurs, comme au Creusot où une centaine de personnes se sont aussi rassemblées.

Derrière les suppressions d’emplois : quatre sites menacés de fermeture !

Beaucoup en sont certains, les 650 suppressions de postes cachent en fait la fermeture programmée de quatre sites ArcelorMittal d’ici 2029 : Dunkerque, Basse-Indre, Montataire et Florange… Alors qu’ArcelorMittal ne prétexte même pas une absence mais seulement un « manque de rentabilité » pour réduire ses investissements dans la décarbonation en Europe et faire marcher la machine à subventions.

Nationalisation sous condition de majorité parlementaire ?

La banderole de la tribune réclame la « Nationalisation totale et définitive, sous contrôle des travailleurs ». Revendication nuancée par l’intervention de Gaëtan Lecoq de la CGT ArcelorMittal Dunkerque : « On mettra un petit peu d’eau dans notre vin […] Je pense que cette idée de nationalisation est possible. […] On peut trouver un projet de loi trans-partisan. Et j’ai une question à vous poser : quelle sera la position du RN ? »

En effet, Macron a dit non à la nationalisation d’ArcelorMittal : si les seuls alliés des travailleurs sont les élus pour une majorité parlementaire, il faudra donc que l’arc s’étende aussi à l’extrême droite… que la CGT a pourtant bien raison de dénoncer.

Les élus et députés sont-ils les seuls alliés des travailleurs en lutte ?

Contre les licenciements, suppressions de postes ou fermetures, on peut porter bien des revendications et mots d’ordre, y compris « la nationalisation » : totale, partielle, temporaire, sous contrôle de l’État ou des ouvriers, de leurs représentants (syndicaux ou pas), de leurs organisations (issues de la lutte ou pas)… Toutes ces perspectives ne se valent pas et méritent d’être discutées. Mais les ouvriers de la sidérurgie le savent bien et Gaëtan Lecoq le rappelait lui-même au siège d’ArcelorMittal le 13 juin : « C’est bien beau de nationaliser, mais s’il n’y a plus d’emplois… ! »

Quelles que soient les revendications – des indemnités au « maintien de l’emploi » en passant par une nationalisation –, on ne peut les opposer les unes aux autres, car, qu’on le veuille ou non, toutes participent à leur manière à la lutte contre les licenciements et dépendent du rapport de force. On ne revendique pas la même chose lorsqu’on est dos au mur, isolé, ou qu’on a réussi à construire un rapport de force qui permet de revendiquer bien autre chose que des indemnités ! Mais c’est bien un mouvement d’ensemble, une lutte contagieuse, qui permettrait d’imposer l’interdiction des licenciements.

Quelle que soit la revendication : comment changer le rapport de force ?

Aujourd’hui, tout le monde le reconnaît, de Stellantis à ArcelorMittal : pas facile de mobiliser. Pourtant, dans la période actuelle, les travailleurs d’ArcelorMittal se sont faits connaître dans toute la France et pourraient avoir bien d’autres alliés que les parlementaires : les travailleurs des centaines de boîtes menacées, d’Exide Lille à Stellantis Poissy. Oui, le rapport de force changerait (y compris localement), et les revendications avec, si ces salariés des usines menacées commençaient à prendre contact en vue de se coordonner.

Léo Baserli