Nos vies valent plus que leurs profits

Argent magique et stratégie du choc social

La Commission européenne a présenté le plan « réarmer l’Europe » de 800 milliards d’euros sur les quatre prochaines années. Une somme colossale qui s’ajoute aux budgets militaires. L’intégralité de ce montant sera emprunté aux banques privées, nouvelle rente ! L’essentiel, 650 milliards, sera levé par les États et échappera à la limitation des déficits à 3 % du PIB. Il ne s’agit pas d’une « défense » commune européenne mais d’une subvention des armées nationales.

Les tractations ont commencé dès l’annonce du plan pour y intégrer toutes sortes de dépenses. Pour l’Allemagne, la rénovation de ses autoroutes, car elles devront accueillir des tanks. Pour l’Italie, la lutte contre l’immigration, ou plutôt le meurtre de migrants en Méditerranée. L’Europe de la défense… des égoïsmes nationaux !

Les grands gagnants sont les groupes de l’industrie militaire. La Bourse ne s’y trompe pas. Le PDG de Thales a du mal à cacher sa joie morbide : « 2024 a été une année exceptionnelle. Nous n’avons jamais eu autant d’opportunités de développement. C’est une décennie de forte croissance qui s’ouvre. » Même si 55 % des commandes européennes d’armement bénéficient aujourd’hui à des groupes américains, les capitalistes européens, en premier lieu les français, savent que leur part augmentera au moins à la mesure de l’augmentation du gâteau militaire.

Qui va payer puisqu’« il n’y a pas d’argent magique », comme l’a martelé le président des riches ? Les pauvres et les travailleurs, s’ils laissent faire. Le dirigeant de la banque publique d’investissement n’y va pas par quatre chemins : « La dette ça sert à financer les investissements, des canons ou des centrales nucléaires, pas le Doliprane de ma mère. » Sûr que sa mère n’a pas besoin que la Sécu lui rembourse son Doliprane ! Et pour mettre un terme à la comédie du « conclave » : « La France dépense plus que les autres pays européens pour sa retraite et cet argent il va falloir le mettre dans la défense. »

Oui, la guerre sociale est déclarée ! Mais les directions syndicales et les partis de la gauche institutionnelle se vautrent dans l’union nationale militariste. Au nom de « l’emploi », de la « réindustrialisation », du « souverainisme ». Certains expriment un fond de remords, comme Mélenchon qui voudrait une « défense passive » avec du « matériel militaire réversible pour une utilisation civile ». Mais les canons César ne tireront pas des fleurs.

Raphaël Preston

 

 


 

 

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