
Malgré la passivité complice de la gauche de gouvernement et des centrales syndicales, la classe ouvrière s’organise contre les nombreuses attaques du président d’extrême droite, comme lors de l’immense « marche des fiertés anti-fasciste » de février ou comme les supporters de foot qui rejoignent les manifestations des retraités pour les protéger de la violente répression.
Une inflation contenue à 84,5 % sur les douze derniers mois : voici le principal fait d’armes dont se targue Javier Milei. Il faut dire qu’avant son élection, elle se montait à 211,4 %. Les prix se sont effectivement un peu stabilisés, mais les salaires sont restés les mêmes, bien plus bas qu’en France : un café à Buenos Aires coûte 2,50 euros, pour un salaire minimum autour de 250 euros. Des familles entières basculent dans l’extrême pauvreté et se retrouvent sans abri.
Le président se trouve actuellement au centre d’un énième scandale pour avoir usé de son influence en incitant les Argentins à acheter la cryptomonnaie Libra, fondée par quelques-uns de ses amis milliardaires. Ces derniers ont retiré leurs billes soudainement et la monnaie virtuelle s’est immédiatement écroulée, dépouillant une dizaine de milliers d’Argentins crédules.
S’attaquer aux secteurs militants
Depuis son élection en décembre 2023, le président d’extrême droite prend l’inflation comme prétexte pour couper les budgets publics (éducation, santé, cantines populaires, etc.) « à coups de tronçonneuse », entraînant de nombreux licenciements, en plus de lois de dérégulation du marché et de suppression des taxes sur les capitaux étrangers. Le tout accompagné d’un protocole « anti-piquete » qui rend les manifestations illégales. Une politique ponctuée d’attaques tous azimuts : transphobie, sexisme, anti-syndicalisme, révisionnisme et réhabilitation de la dictature militaire de 1974… Milei n’oublie pas non plus d’attaquer les militants en justice : Eduardo Belliboni, du Parti ouvrier (PO), est accusé de détournement de fonds, tandis qu’Alejandro Bodart, du Mouvement socialiste des travailleurs (MST), est condamné à six mois de prison avec sursis pour avoir dénoncé le génocide palestinien. Milei tente de modifier la constitution pour priver les « petits » partis – issus de la droite, du centre, ainsi que les révolutionnaires – des élections législatives de mi-mandat. Ce gouvernement est bien aidé par la passivité complice de la gauche de gouvernement qui attend la prochaine présidentielle. L’opposition parlementaire vote même certaines lois d’austérité – « responsabilité » oblige. Les centrales syndicales s’alignent sur cette gauche institutionnelle. En un an, elles n’ont appelé qu’à une seule journée de grève générale, suffisamment encadrée pour ne pas déborder.
Converger pour dépasser le clivage
Les soutiens de Milei demeurent, alors qu’une large part de la population semble paralysée. Des organisations militantes permettent tout de même de résister. Comme en février dernier, lors d’une marche « LGBT antifasciste » qui a rassemblé des centaines de milliers de manifestants dans la capitale, après un discours de Milei au forum de Davos, assimilant les personnes homosexuelles et transgenres à des « violeurs pédophiles et des assassins ». La santé et l’éducation constituent les secteurs professionnels les plus combatifs, avec des grèves régulières bien suivies, notamment grâce aux positions syndicales de certains militants révolutionnaires.
La population n’a pas attendu l’exécutif, resté silencieux, pour épauler les pompiers et venir en aide aux sinistrés des incendies en Patagonie et des inondations à Bahia Blanca. Ces catastrophes naturelles ont pris des proportions chaotiques à cause des coupes dans les budgets alloués aux mesures écologiques, et de l’intensification de l’exploitation des richesses minières conduite par l’extrême droite. Enfin, les supporters de foot se joignent désormais aux retraités, qui manifestent chaque semaine pour la revalorisation de pensions qui dépassent rarement 300 euros, et tentent de les protéger des matraques et des balles en caoutchouc.Le Front de gauche des travailleurs – Unité (qui compte actuellement cinq députés au Parlement) peine à s’unir au-delà des élections, chaque parti empruntant sa propre stratégie. Pour enrayer la machine, il faudra dépasser les clivages actuels chez les travailleurs pour les unir dans un mouvement massif. Prochaine étape, les manifestations prévues le 24 mars, jour du coup d’État de 1976, qui agrégeront toutes les franges militantes et, on l’espère, bien au-delà. En 2024, cette journée avait rassemblé des centaines de milliers de manifestants.
L.S.