Traduction d’un article du RSO (Revolutionär sozialistische Organisation), 22 décembre 2024, Berlin
La bouleversante tragédie de Magdebourg a fait cinq morts, dont un enfant. Plus de deux cents personnes ont été blessées. À propos de l’auteur de l’attentat, qui a foncé en voiture sur un marché de Noël à Magdebourg (Saxe-Anhalt), ce qu’on sait c’est qu’il travaillait jusqu’à présent comme médecin aux environs de Magdebourg, il vivait en Allemagne depuis 2006 et est décrit par ses voisins comme quelqu’un de discret. On ne sait pas grand-chose sur les mobiles du crime.
Mais le simple fait que l’auteur soit né en Arabie saoudite et qu’il ait fui pour l’Allemagne en 2006 a suffi à l’extrême droite, dont les dirigeants de l’AfD1, pour invoquer à nouveau un danger général que feraient peser les migrants. Comme toujours et dès qu’un problème se pose, les chaînes et réseaux de l’AfD et autres courants d’extrême droite s’excitent et martèlent en boucle que ce serait la faute aux migrants et que seule une expulsion radicale serait salutaire. La présidente de l’AfD, Weidel, a posé la question : « Quand cette folie prendra-t-elle fin ? », façon de demander quand le dernier migrant aura quitté l’Allemagne ? Le chef du parti d’extrême droite français, le Rassemblement national, est même allé jusqu’à stigmatiser l’auteur de l’attaque comme islamiste.
Un attentat dans un climat de virage à droite
Il est pourtant avéré que l’auteur avait déjà tourné le dos à l’islam alors qu’il était encore en Arabie saoudite et qu’il s’est depuis affiché comme un radical « critique de l’islam ». C’est en outre un « fan » d’Elon Musk – raciste et semi-fasciste, ami de Trump, qui vient d’apporter son soutien à l’AfD.
L’auteur lui-même est un partisan de l’AfD. Dans des posts sur les médias sociaux, et bien dans le style de l’AfD (comme d’ailleurs de la CDU et son leader Merz, et du FDP et son leader Lindner), il a vociféré contre la politique d’asile menée par Merkel et mis en garde contre le risque d’« islamisation de l’Europe ». Il est en outre partisan des projets d’extrême droite d’un grand Israël. Autant dire qu’il n’est pas exactement le migrant type contre lequel l’AfD et compagnie aiment tant s’acharner. Tout au contraire : il pourrait vite s’avérer qu’il colle plutôt au virage à droite et à la propagande que l’extrême droite comme les partis au gouvernement diffusent depuis longtemps ! Si la cheffe de l’AfD, Weidel, veut la fin de la prétendue « folie », alors ne faudrait-il pas en finir… avec le suivisme derrière l’AfD ? L’extrême droite regarde d’abord l’origine d’un individu et veut en déduire et généraliser tout et n’importe quoi. Qu’est-ce qu’on peut déduire et généraliser à partir de la proximité d’idée de l’auteur de l’attentat avec l’AfD ? Est-ce que ses idées politiques n’en disent pas beaucoup plus que son origine ? Mais voilà qui ne colle pas dans le tableau de l’AfD, où toujours et en premier lieu – même à partir d’un acte isolé – il faut inciter à la haine des migrants et aux divisions entre tous.
Pour les migrants de toute l’Allemagne – ou ceux qui « ressemblent à des migrants » –, cette xénophobie de la droite est un fléau. Lors de la cérémonie funéraire à Magdebourg, des extrémistes de droite ont scandé des slogans nauséabonds. La haine verbale peut rapidement tourner à la violence. Cette violence d’extrême droite est depuis longtemps une gangrène qui ne cesse de se développer. Des centres de consultation de Magdebourg sonnent déjà l’alarme.
Du côté de la droite, comme les prises de position de l’auteur de l’attentat ne faisaient pas bien dans le tableau, un autre angle d’attaque a entre-temps été trouvé. L’Arabie saoudite, le pays d’origine de l’auteur, aurait alerté contre lui. Les autorités allemandes n’auraient-elles pas dû réagir et expulser ce type, ce qui aurait résolu la question ? Précisons que sur cette mise en garde de l’Arabie saoudite, on ne sait en réalité quasiment rien. Il se pourrait bien que cette histoire soit aussi une impasse pour l’extrême droite. Car le régime saoudien est une terrible dictature islamiste, où les exécutions d’opposants, les arrestations arbitraires et les interdits de tous ordres imposés aux femmes sont prégnants. Ce régime aurait donc voulu mettre en garde contre une personne qui a fui en raison de persécutions politiques et qui a obtenu l’asile en Allemagne, ce qui sort vraiment de l’ordinaire. L’auteur de Magdebourg était depuis des années militant contre le régime saoudien et aidait des femmes à fuir. Et notons que toutes les violations des droits en Arabie saoudite n’empêchent pas l’Allemagne d’entretenir les meilleures relations politiques et économiques avec le pays.
Notre solidarité, contre le poison des jugements hâtifs et préjugés
Toutes ces questions, nombreuses et épineuses, n’empêchent pas l’extrême droite de continuer à attiser le climat contre les migrants et par là la peur des attentats – d’autant plus insoutenable qu’est frappée la population inoffensive des marchés de Noël. Si l’on se fie à l’expérience d’événements récents et similaires, on peut s’attendre à ce que les ex-partis de gouvernement se rallient illico à la propagande de l’AfD.
Notre sécurité, ces partis ne s’en soucient guère. Nous savons – nettes statistiques à l’appui – que c’est dans le cercle des proches et de la famille qu’existe le plus grand risque d’être victime d’un acte de violence. Nous savons aussi que le plus grand danger pour les conditions de vie et de travail des classes populaires ne se présente pas sous les traits de migrants qui traversent lahttps://npa-revolutionnaires.org/attentat-de-magdebourg-instrumentalise-par-lextreme-droite/ Méditerranée ou passent à pied la frontière polonaise, mais sous les traits d’individus qui portent des costumes chics et roulent en limousine hors de prix.
Restons donc solidaires – où que nous soyons nés – et unissons-nous contre le poison répandu par l’extrême droite et la CDU et compagnie à sa remorque !
1 AfD, ou Alternative für Deutschland (Alternative pour l’Allemagne), parti d’extrême droite auquel les sondages donnent un score pouvant atteindre les 19 % aux prochaines législatives anticipées du 23 février prochain [NdT].