Monstrueuse bien sûr, cette attaque terroriste revendiquée par l’État islamique dans le Crocus City Hall de la banlieue de Moscou qui a fait 144 morts. Mais personne parmi nos politiciens « avisés », nos gouvernants indignés, ne se demande d’où il vient, qui ces chefs assoiffés de pouvoir de l’État islamiste sont en train de singer, ni comment ils trouvent des troupes, des hommes de main prêts au suicide auxquels ils n’offrent même pas la paye d’un capitaine, même pas celle d’un para de la légion, seulement le rêve du paradis.
À la suite de l’attentat de Moscou, on a eu droit une fois de plus, sur la scène mondiale, au concert unanime des hypocrites : en premier violon, Poutine lui-même, prétendant voir derrière l’acte des terroristes la main de l’Ukraine pour justifier la poursuite de son agression guerrière. Lui faisant contrepoint, les services de renseignement ukrainiens chantent que l’attentat était une « provocation planifiée et délibérée des services spéciaux russes » pour « justifier des frappes encore plus dures contre l’Ukraine et une mobilisation totale en Russie ». Bien sûr, les services secrets des États capitalistes sont capables de tout, alors tout est possible !
C’est donc en chœur que tous les dirigeants du monde ont tenu à exprimer leur indignation et leur solidarité. Chacun à sa façon : sur le mode direct du côté du président chinois Xi Jinping qui a envoyé un message de condoléances à son homologue russe ; avec une compassion moins personnalisée envers Poutine, bien entendu, de la part du locataire de l’Élysée, qui a préféré exprimer « la solidarité de la France avec tout le peuple russe », ou de la part de la Maison-Blanche de Washington qui s’est dite « aux côtés des victimes de la terrible attaque ». Même le gouvernement israélien y est allé de sa larme : son ministre des Affaires étrangères s’est dit « attristé par les évènements tragiques de ce soir à Moscou » et pensant « avec émotion aux familles des victimes et à tous ceux qui sont affectés ».
Les plus de 32 000 morts à Gaza ne l’attristent pas, ni le sort des familles palestiniennes, deux millions de Gazaouis vivant dans les décombres des villes bombardées, réduits à la famine. Ce terrorisme-là ne serait pas du terrorisme ? Ce seraient juste les lois de la guerre, menée par des armées légales, officielles, formées de massacreurs touchant des soldes et recevant, s’ils meurent ou sont blessés, des légions d’honneur et des titres de héros de la nation ? À Gaza le terrorisme de Tsahal a d’ailleurs la bénédiction et les fournitures d’armes des Biden, Macron et bien d’autres.
En Ukraine (200 000 morts au moins selon les diverses estimations), ce ne serait qu’une guerre ordinaire, civilisée en quelque sorte, le classique d’une guerre pour le partage d’influence et le contrôle des richesses. Une guerre sur le dos du peuple ukrainien, dont même ceux qui, par concurrence avec Moscou, prétendent le défendre, sont prêts à marchander demain son sort, et de toute façon prévoient déjà de lui faire payer, après le massacre, les dettes du « prêt-bail » des armes qu’ils fournissent à Zelensky.
Et ce sont ces fauteurs de guerre-là, ceux qui entretiennent des armées aux quatre coins du monde pour imposer leur ordre, leur pillage des richesses et terroriser les populations pauvres pour tenter de prévenir leurs révoltes, qui s’indignent du terrorisme quand ce n’est pas le leur, d’un terrorisme certes aveugle et criminel, mais dont ils n’arriveront pas à bout avec toutes les polices du monde, car il est le fruit de leur propre politique, le fruit de ce monde d’exploitation dont ils sont les zélés gestionnaires.
Car, à leur façon, ces réactionnaires assoiffés de pouvoir que sont les dirigeants de l’État islamique ne font que singer, en parasites, en freelance, les dirigeants des États en place, ceux qui siègent à l’ONU et paradent une fois l’an sur les tombes de leurs soldats inconnus. Les chefs des bandes armées, Boko Haram ou autres, qui sillonnent l’Afrique et rançonnent les populations, ou qui surveillent avec des hommes en armes des zones d’orpaillage artisanal pour en accaparer le produit, ne sont rien d’autre que le fruit de cette Afrique, coloniale puis aujourd’hui post-coloniale. Une Afrique où un Orano (ex-Areva) a ses propres milices armées pour surveiller l’exploitation de ses mines d’uranium du Niger, les trusts canadiens les leurs pour contrôler que pas un gramme ne leur échappe des mines d’or dont ils ont la concession au Mali, etc.
C’est la misère qui sévit en Afrique, c’est le pillage du Moyen-Orient, si riche en pétrole et si pauvre pour sa population, qui fournissent tant de recrues aux bandes armées, alimentent ce terrorisme qui a pris plus d’ampleur ces dernières années. Un fléau dont on ne se débarrassera qu’en se débarrassant de sa cause : cette société d’exploitation et de misère.
Olivier Belin