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Au boulot ! — Un film de Gilles Perret et François Ruffin

 

 

Au boulot !

Film de Gilles Perret et François Ruffin

 

 

La prémisse du film est simple : au cours d’un débat télévisé, François Ruffin a mis au défi Sarah Saldmann, avocate et chroniqueuse très à droite, de partager le quotidien des smicards et des chômeurs, ceux qu’elle appelle les « feignasses »… Chiche !

La bourgeoise en est alors quitte pour aller de surprise en découverte : cadences infernales, froid et douleur des journées d’usine, paies misérables… Mais aussi la fierté des travailleurs, la passion pour leur métier, la force et la joie qui naît de la solidarité.

Ce sont évidemment elles et eux le vrai sujet du film. Certes, le populiste Ruffin, en veste du surplus militaire, préfère dire « les gens ». Il tend ainsi son micro à des patrons philanthropes pas si petits. Mais c’est bien la classe ouvrière, dans toute sa diversité, qui vole la vedette. C’est pour ce portrait collectif, malheureusement un peu précipité, que le film vaut le détour.
Alors on s’accommode des calculs du député qui se donne le beau rôle et glisse ses allusions sur l’antiracisme ou le féminisme pour répondre indirectement à ses détracteurs à gauche. Quant à l’avocate, on rit de sa déconnexion, et même, on peut apprécier ce qu’il y a de franchise dans sa démarche.

Pour finir, le film s’empêtre dans sa recette moraliste : en évitant toute politique, il finit par montrer… la grande réconciliation entre les classes. Mais la juriste disparaît à quelques minutes de la fin : Ruffin l’a « licenciée ». Il s’explique : la chroniqueuse restait « Cruella » à la télé. Plus prudente sur les « assistés », elle n’en continuait pas moins les diatribes ultra-sécuritaires et anti-migrants, et surtout, après le 7 octobre, les apologies du génocide palestinien. Le politicien professionnel, qui n’est pas toujours dérangé par les déclarations anti-migrants à la télé, puisqu’il en fait lui-même, décide au cinéma de dire stop. Doit-on dire « Merci Ruffin » ? Pour savoir ce qu’en pensent les vrais héros du film, il faudra sortir des salles de cinéma.

Gaspard Janine