Nos vies valent plus que leurs profits

Au cœur des attaques, la santé se mobilise

Près de 8 % des hospitaliers étaient en grève, mercredi 10 septembre. Soit des dizaines de milliers de grévistes, bravant les obstacles mis par les directions d’hôpitaux à celles et ceux qui veulent faire grève. Si la suppression annoncée des deux jours fériés attise la colère, c’est la nouvelle cure d’austérité dans la santé qui révolte bien des soignants : 5 milliards d’économies supplémentaires, c’est encore plus de sous-effectif, encore moins de matériel, encore plus d’épuisement… et des soins au rabais pour toutes et tous.

À Lyon, mobilisés contre le budget et les suppressions de postes

Aux Hospices civils de Lyon (HCL), plusieurs rassemblements ont rythmé la journée. Devant l’hôpital Lyon-Sud, une cinquantaine de personnes étaient présentes pour protester contre les politiques antisociales que les travailleurs de la santé paient au quotidien. Les regards étaient aussi tournés vers le service de dermatologie en grève ce jour-là contre le sous-effectif chronique. À l’autre bout de la ville, encore plus de monde devant l’hôpital Édouard-Herriot : une centaine d’hospitaliers et non hospitaliers, venus à l’appel de l’AG de l’hôpital. On y dénonce les attaques contre l’hôpital public et la santé, mais aussi l’hypocrisie des gouvernements successifs qui financent les dépenses militaires et encouragent la marche à la guerre. Plusieurs voix ont rappelé l’importance de lutter pour le peuple palestinien et contre le génocide en cours. Tandis que d’autres ont dénoncé le projet de suppression d’une cinquantaine de postes d’infirmières à l’hôpital psychiatrique de Bron (69), le Vinatier – triste symbole de la politique pro-patronale de l’État qui arrose de subventions les entreprises privées et délaisse la santé physique comme mentale. Un rassemblement réussi a eu lieu le lendemain pour protester contre ces suppressions. Et pour le 18, un rassemblement s’annonce pour regrouper tous les hôpitaux devant l’hôpital Édouard-Herriot.

À l’AP-HP : « Pas d’économies sur nos vies ! »

À Paris, plus de vingt rassemblements ont eu lieu devant des hôpitaux. À l’appel d’assemblées générales qui avaient voté la grève pour le 10, ces rendez-vous ont parfois regroupé plusieurs centaines de personnes, et servi de point de ralliement à d’autres grévistes isolés ou étudiants venus soutenir. Au cœur des discussions, les mesures du gouvernement, mais aussi les conditions de travail déplorables du quotidien. La suppression de deux jours fériés, en particulier, fait bondir. Et pour cause, les directions doivent déjà des millions d’heures non payées aux soignants, qui ne peuvent même pas prendre leurs congés ou pas assez, sont rappelés sur leurs repos ou contraints de rester après leur garde à cause du sous-effectif organisé. Sans compter les mobilités forcées, les plannings bouleversés, les accidents de travail non reconnus et les salaires de misère… Mais c’est aussi la guerre qui revient dans les discussions : celle dont est complice la France en Palestine et celle à laquelle on veut nous préparer. Une note envoyée fin juillet aux agences régionales de santé (ARS) a fait bondir, qui prépare la réquisition des hôpitaux pour un potentiel « conflit majeur ». Passé la sidération, c’est l’écœurement qui s’installe : pareille débauche de moyens pour l’armée alors que la santé manque cruellement de tout… Une banderole résume : « Du fric pour l’hôpital, pas pour les rafales ».

À la Pitié-Salpêtrière, organiser la lutte

Réunis dans une première AG le 10 septembre, les quelques dizaines de grévistes de l’hôpital parisien ont discuté des raisons de leur mobilisation, avant de rejoindre d’autres travailleurs du quartier, comme les cheminots de la gare d’Austerlitz. Un début qui a donné de l’élan pour la suite : lundi 15, nouveau rassemblement devant la Pitié, avec plus d’une centaine de personnes – hospitaliers mobilisés, travailleurs du quartier, étudiants… – un soutien qui fait chaud au cœur, dans un secteur où il est bien difficile de rendre les grèves visibles. Reste à renforcer la mobilisation pour la suite : jeudi 18 septembre, celles et ceux de la Pitié se retrouveront le matin en AG pour rejoindre ensuite un rassemblement de tous les hospitaliers parisiens devant le siège de l’AP-HP : de quoi faire entendre la colère face à la direction, avant de rallier les autres secteurs en grève à la manifestation parisienne !

Accès aux soins : menaces à répétition

La chute de Bayrou n’a pas balayé ses attaques. Porteuses d’une accélération brutale de la dégradation de l’accès aux soins, elles restent sur la table dans le cadre du projet de loi de financement de la Sécu pour 2026. En plus d’annoncer l’arrêt du remboursement intégral des affections longue durée (ALD) ou l’allongement du délai de carence pour les arrêts maladie, Bayrou avait passé en force, par décrets, deux jours avant son départ, le doublement des franchises médicales (plafond annuel passant de 50 à 100 euros), se traduisant par une hausse du reste à charge passant de 1 à 2 euros par boîte de médicament ou de 8 à 16 euros pour un transport sanitaire par exemple… Ces mesures sont suspendues, pour l’heure, du fait de son départ. Mais aucun doute parmi les hospitaliers, le prochain fera pareil : on annonce déjà pour 2026 un budget des hôpitaux famélique, plafonnant à 2 % d’augmentation, alors que les seuls besoins démographiques nécessitent au moins 5 %. Et ce n’est pas l’annonce grossière de Lecornu de créer 5 000 maisons « France Santé » – à moyens égaux, comme d’habitude, donc en dépouillant ailleurs – qui fera passer la pilule.

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