Nos vies valent plus que leurs profits

Au pays de nos frères, film de Raha Amirfazli et Alireza Ghasemi

Au pays de nos frères
Raha Amirfazli et Alireza Ghasemi
En salle depuis le 2 avril

 

 

Prix de la meilleure réalisation du festival du film de Sundance 2024, Au pays de nos frères raconte l’histoire d’une famille élargie de réfugiés afghans en Iran.

Le récit se divise en trois parties, chacune centrée sur un personnage différent, et s’étale sur vingt ans (en 2001, en 2011 et en 2021). Une forme d’anthologie, pour brasser le portrait le plus large possible d’une population en exil, notamment depuis le début de la guerre de l’impérialisme américain contre le régime des talibans, qui seraient au nombre de 5 millions au « pays des frères ». Des chiffres derrière lesquels se cachent des vies humaines, souvent lourdes de traumatismes et de violences impossibles à dire, soit parce qu’on n’en a pas le droit, soit parce qu’on a peur, soit parce qu’elles dépassent l’entendement…

Car c’est bien du silence qu’il est aussi question. Et si on ne voit pas grand-chose d’une quelconque « fraternisation » entre Afghans et Iraniens dans le film, on comprend très clairement qu’ils n’ont pas de frères, en tout cas parmi ceux qui incarnent le plus frontalement la République islamique et la bourgeoisie iranienne dont elle sert les intérêts. Les frontières nationales se doublent de frontières de classe pour chacun des protagonistes. Ces frontières de classe dont le film rappelle souvent qu’elles sont indépassables, par des gestes ou des plans qui contredisent la parole d’un « bon flic » ou d’une « bonne patronne ». Un film poignant, à voir dès que possible.

Claire Lafleur