Le 28 juin 1970, à New York et Los Angeles, se tenaient les premières marches des fiertés, ou Pride, qui depuis ont lieu chaque année dans de nombreux pays. Il s’agissait de commémorer l’anniversaire des « émeutes de Stonewall », débutées dans la nuit du 28 juin 1969.
La révolte des plus opprimés
Le Stonewall Inn était un établissement illégal du quartier de Greenwich village, accueillant des personnes homosexuelles et transgenres, notamment les plus marginalisées : afro-américaines, portoricaines, sans-abris, prostituées…
Alors que des policiers en civil étaient entrés pour prendre les identités des présents et présentes, les chasser du bar ou interpeller ceux et celles qui n’avaient pas leurs papiers, des clientes trans et lesbiennes malmenées par la police appelèrent la foule à se révolter.
À New York, comme ailleurs, des lois interdisaient alors le port de vêtements « destinés à l’autre sexe », chassaient les personnes homosexuelles des entreprises, et les bars avaient interdiction de leur servir de l’alcool. Les pièges tendus par la police, comme les descentes dans les bars illégaux, étaient monnaie courante. La révolte était donc celle de femmes et d’hommes qui n’en pouvaient plus de la brutalité de la police, de l’ordre social et moral maintenu par les autorités.
Au moins 2000 personnes y participèrent dès la première nuit, se saisissant du mobilier urbain et de tous les projectiles possibles pour faire reculer la police. Celle-ci, aidée par la force anti-émeutes, arrêta quelques personnes et en passa beaucoup à tabac, mais sans parvenir à disperser une foule qui revint cinq jours et nuits durant, renforcée par des travailleurs et travailleuses, des jeunes et de moins jeunes, de tous les genres, couleurs de peau et orientations sexuelles.
Dans les mois suivants, des groupes militants se maintinrent pour mettre en place des lieux de rencontres homosexuelles et assurer leur sécurité face à la police.
Un mouvement de contestation profonde
La révolte de Stonewall eut lieu dans le contexte de forte agitation sociale des années 1960 et 1970, aux États-Unis et ailleurs : mouvement afro-américain pour les droits civiques, luttes de libération nationale, mobilisations anti-impérialistes, particulièrement contre la guerre du Vietnam, luttes ouvrières et de la jeunesse, regain du mouvement féministe… Une nouvelle génération prenait la contestation en main dans l’espoir de changer de société.
Si, au début du XXe siècle, le mouvement ouvrier avait été particulièrement actif dans les luttes contre le racisme, le sexisme et l’homophobie, les directions bureaucratiques, réformistes et staliniennes avaient depuis des décennies mis de côté leur soutien aux opprimés.
Pour le mouvement des gays, lesbiennes et trans, les émeutes de Stonewall ont marqué une étape historique, celle de la naissance de nouvelles organisations, comme le Front de libération gay (Gay Liberation Front) et l’Alliance des militants gays (Gay Activists Alliance), assumant la confrontation et la visibilité pour revendiquer l’égalité et l’émancipation, et non la négociation avec les autorités pour obtenir une discrète tolérance. Ce mouvement se répandit ensuite ailleurs, comme en France, avec le Front homosexuel d’action révolutionnaire (FHAR) fondé en 1971. Un mouvement de refus de la honte, un mouvement assumant la fierté de chacune et chacun !
18/6/2023, Jean-Baptiste Pelé
(Article paru dans Révolutionnaires numéro 3, été 2023)