Présenté jeudi 10 octobre en Conseil des ministres, le projet de loi de finances du gouvernement de Michel Barnier a pour but de réaliser près de 60 milliards d’euros d’économies… et la Sécu n’est pas en reste. Le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) prévoit 15 milliards de coupe budgétaire, en s’attaquant notamment aux arrêts maladies et au taux de remboursement des consultations médicales. La hausse du budget alloué aux dépenses de santé est limité à + 2,8 %, contre + 3,3 % dans le précédent PLFSS (et plus de 9 % pendant les années Covid) – ce qui revient à baisser drastiquement le budget puisque ne serait-ce que l’évolution naturelle des dépenses (vieillissement, coût des traitements, etc.) exigerait au moins 5 % ! Même la fédération des directions hospitalières (FHF) fait mine de s’insurger, alors qu’elle est de longue date présidée par des soutiens des différents gouvernements. C’est dire.
Aujourd’hui, les patrons sont exonérés en tout ou partie de leur part de cotisations sociales pour des salaires allant jusqu’à 1,6 fois le Smic – pour le Smic, l’exonération est totale. L’État ne compense même pas toutes les exonérations qu’il décide. La plupart, mais pas toutes ! Or, ces exonérations ont coûté à la Sécu 18 milliards d’euros de recettes en moins en 2022… Plus que les 17 milliards qui constitueraient le déficit que met en avant le gouvernement ! 17 milliards de déficit sur un budget de plus de 700 milliards d’euros. Soit environ 2,5 %, comme s’il manquait 40 euros à la fin du mois pour un salaire net de 1500 euros.
Le débat parlementaire annuel sur le budget de la Sécu s’ouvre donc, mais on sait d’avance que le gouvernement agitera le mythe du « trou de la Sécu » pour mieux couper dans les budgets et distiller son poison idéologique : la Sécu dépenserait trop et les assurés en abuseraient, il serait donc impératif de réduire les dépenses. Mais la réalité derrière ces coupes budgétaires, ce sont des drames sanitaires, de plus en plus de familles qui renoncent aux soins, mais aussi des professionnels de santé surexploités et contraints de faire plus avec moins.
Baisse des remboursements des consultations
Dans le projet de budget de la Sécu présenté par le gouvernement, la couleur est annoncée : pour combler le trou dans les caisses de la Sécurité sociale, qui serait d’environ 16,8 milliards, le gouvernement prévoit de faire se serrer la ceinture aux classes populaires. Il faudrait « redresser le budget de la Sécu », avec toute une série de mesures d’austérité. Parmi les mesures qui frapperont durement les assurés, l’augmentation du fameux « ticket modérateur » – dont le nom même vise à laisser croire que les patients abusent du système de santé et devraient se « modérer » ! Un comble quand on connaît les délais pour obtenir une consultation, sans parler des déserts médicaux… Reste que le projet prévoit de faire passer la part à la charge des patients de 30 à 40 %, ce qui permettrait 1,1 milliard d’économies pour le gouvernement.
Casser la Sécu pour en mettre plein les poches aux complémentaires et groupes privés
Pour avaler la hausse, le gouvernement compte sur les complémentaires santé privées. Mais la nouvelle ministre de la Santé, Geneviève Darrieussecq, a dû reconnaître : « Un rapport du Sénat a montré que les transferts aux complémentaires se sont soldés par des hausses de cotisation qui étaient peut-être un peu surévaluées »… Un euphémisme – les assureurs ont augmenté ces cotisations de plus de 8 % cette année ! Et la ministre d’ajouter : « nous n’avons pas beaucoup de pouvoir sur eux ». Après avoir déjà augmenté de 8 % leurs cotisations en 2024, les complémentaires santé annoncent déjà une hausse en conséquence de la baisse des taux de remboursement par l’assurance maladie. Car évidemment l’objectif des quatre cents complémentaires santé du territoire, c’est pas d’aider les travailleurs à se soigner ! Entre les frais de gestion exorbitants et les marges considérables empochées par ces groupes, ce qui revient aux assurés est dérisoire. En revanche, ces parts de marchés en plus sont particulièrement lucratives pour les assureurs. Et tout ça sans compter les près de trois millions de travailleurs pauvres et de chômeurs qui ne peuvent tout simplement pas se permettre d’avoir une complémentaire.
La chasse aux arrêts maladie s’amplifie
Autre facette des attaques contenues dans le projet de budget de la Sécu : après avoir passé des mois à relayer dans les médias la campagne accusant les travailleurs de prendre trop d’arrêts maladie, parce qu’ils ne voudraient plus travailler, le gouvernement compte s’y attaquer également. Comment ? En amoindrissant les remboursements et en faisant passer le délai de carence de trois jours à une semaine. Ceux qui augmentent les cadences et le départ de l’âge à la retraite, ceux qui détériorent les conditions de travail pour user les travailleurs jusqu’à la moelle sont les mêmes qui les traitent de fainéants et font des économies sur leur dos !
Contre les attaques du gouvernement et du patronat, seule la lutte paiera !
Pendant ce temps, les règles actuelles de financement des hôpitaux continuent de les étrangler et à détruire l’offre de soins sur tout le territoire, à fermer des lits et des services dans les hôpitaux, comme à Carhaix en Bretagne où les urgences sont « régulées » depuis plus d’un an par manque de personnel. À Carhaix comme ailleurs, la « régulation » des urgences signifie en réalité qu’elles ferment la nuit, et que les patients sont orientés par téléphone vers d’autres hôpitaux à plusieurs heures de route… avec des conséquences parfois dramatiques. Une politique de sacrifice, purement et simplement, par refus de consacrer les moyens nécessaires. Mais non sans réactions. Samedi dernier, à Carhaix, des milliers de personnes ont manifesté pour réclamer la réouverture des urgences.
Cette politique criminelle, qui fait primer l’austérité et les profits sur les vies, ne se fait pas qu’au détriment des patients. Le personnel de la santé trinque aussi. Dans les hôpitaux, les services sont exsangues par manque d’effectif et les agents épuisés. Rares sont les CHU qui n’ont pas connu, ces derniers mois, sous une forme ou sous une autre, des mobilisations pour des embauches, de meilleurs salaires ou tout simplement pour avoir les moyens de travailler correctement.
Cette politique d’austérité et la dégradation des conditions de travail ne sévissent pas seulement à l’hôpital. Dans les différentes branches de la Sécu (CAF, CPAM, etc.), mais aussi à France Travail, les salariés sont confrontés tous les jours avec les réorganisations orchestrées par le gouvernement, main dans la main avec le patronat, ruinant toujours plus les conditions de travail. Dernier exemple en date, la Caisse nationale de l’assurance maladie (Cnam) a annoncé début octobre des suppressions de poste et le transfert des 7000 salariés du « service médical », chargé du contrôle des arrêts maladie, vers les caisses primaires. L’objectif est de fusionner les services pour faire des économies, mais aussi de favoriser une gestion comptable du contrôle des arrêts maladie, aux dépens du médical. Mais là aussi, la résistance s’organise. Les agents menacés de transfert se sont réunis en assemblée générale et ont fait grève le 3 octobre, avec une mobilisation massive. À la CAF aussi, des agents s’organisent, comme en Loire-Atlantique où une grève a été menée au mois de juin pour des embauches et de meilleures conditions de travail.
Contre ces attaques d’ampleur, il faut suivre ces exemples, les généraliser, construire collectivement la riposte. Ceux qui veulent faire toujours plus d’économies sur le dos des travailleurs et travailleuses, sont aussi ceux qui sapent l’accès aux soins pour toutes et tous, ceux encore qui, main dans la main avec le patronat, ne cessent d’aggraver nos conditions de travail et de vie, d’augmenter les cadences, d’user les travailleurs et travailleuses… Tout ça parce qu’il n’y aurait pas d’argent dans les caisses. Alors qu’ils n’ont de cesse, par tous les bouts, d’enrichir assureurs, cliniques, industriels du médicament, de la pharmacie ou de la santé en général ! Les entreprises du CAC 40 ont réalisé à elles seules 153,6 milliards d’euros de profits l’an dernier. Il ne manque pas d’argent, dans les poches du patronat !
Abel Toshed