Nos vies valent plus que leurs profits

Cameroun : le règne de Biya et de la Françafrique contesté

 

 

Alors que, jeudi 6 novembre, Paul Biya s’est fait à nouveau investir comme président de la république du Cameroun pour la huitième fois, la contestation des résultats de l’élection présidentielle se poursuit. Le scrutin était verrouillé d’avance par cet autocrate de 92 ans, président depuis 43 ans, qui reste un des piliers de l’impérialisme français en Afrique.

Fin juillet dernier, Macron lui écrivait une lettre, à lui Paul Biya, sorte de confession pour la guerre menée par la France contre les indépendantistes camerounais entre 1945 et 1971. Un geste diplomatique pour rendre service au président-candidat, en continuant à faire de lui l’interlocuteur privilégié de la France. Et un comble d’adresser ce genre d’excuses tardives à Biya, qui était déjà dès les débuts de l’indépendance, proclamée en 1960, dans les allées du pouvoir prenant le relais de l’administration française ; un pouvoir allié de la France et au nom duquel, pendant dix ans encore, l’armée française continuerait sa sale guerre au Cameroun contre tous les militants et groupes indépendantistes qui auraient pu contester le néocolonialisme se mettant en place et bien présent jusqu’à aujourd’hui. Le tout dans le but de continuer à assurer les plus grands profits des entreprises françaises présentes au Cameroun, comme Orange, Bolloré, Perenco, Castel, Vinci ou Bouygues, entre autres. Les armes que les forces de répression de Paul Biya utilisent actuellement contre les manifestants lui ont été livrées par la France, dans le cadre d’une coopération sécuritaire sans faille.

Après les manifestations contre la victoire électorale autoproclamée de Biya, où les forces de répression ont tiré sur les manifestants (plusieurs dizaines de morts probablement), le candidat d’opposition, Issa Tchiroma Bakary, a appelé à des opérations « villes mortes » pour contester le résultat des élections. Que ce notable de 78 ans, qui a été plusieurs fois ministre sous le règne de Biya depuis 1992 et l’était encore jusqu’au 24 juin dernier, ait pu être vu comme le candidat de la rupture par une bonne partie de la population du Cameroun du seul fait qu’il se déclarait désormais opposant au régime, en dit long sur l’exaspération vis-à-vis de la dictature de Paul Biya, adossée à la France. Et long aussi sur le manque d’une véritable opposition politique au régime.

C’est cette même exaspération, ce même sentiment de révolte qui s’est exprimé au Mali, au Niger ou au Burkina Faso ces dernières années, même s’il a été à chaque fois détourné par des coups d’État militaires promettant de changer le régime. La même révolte qui a précipité la chute du président Macky Sall au Sénégal. Pour en finir avec la Françafrique et avec les dictatures, il faudra que les luttes sociales permettent aux classes populaires de faire entendre leurs revendications et se donnent leur propre direction, bien loin des illusions électorales semées par des politiciens professionnels ou par des militaires prétendant rénover la façade du régime pour mieux perpétuer l’oppression de la population.

Lydie Grimal