Tout commence par un forfait. Le 1er août, Angela Carini, boxeuse italienne dans la catégorie des moins de 66 kg, abandonne son huitième de finale contre l’Algérienne Imane Khelif au bout de 46 secondes. L’extrême droite italienne, mauvaise perdante, attaque alors la gagnante. Salvini l’accuse d’être « un boxeur trans » et Meloni renchérit en ciblant ses « caractéristiques génétiques masculines ». La fachosphère internationale se régale, y voyant une nouvelle occasion de défendre les femmes dites « biologiques » tout en stigmatisant les femmes trans, accusées d’être des tricheurs masculins venus glaner des titres dans les catégories féminines.
Ces polémiques sont récurrentes. En avril dernier, une adolescente trans américaine en a aussi fait les frais après sa victoire au 200 mètres lors d’une compétition entre lycées. La même adolescente s’était classée deuxième au 400 mètres lors de la même compétition, mais cela a fait moins de battage. Ça aurait pourtant parfaitement illustré que les performances sportives ne sont pas réductibles à des caractères sexuels, en dépit de ce que pense l’extrême droite qui ramène par sexisme les sportives à un caryotype et des taux d’hormones.
Certes, dans cette société où le patriarcat laisse des traces jusque dans la constitution biologique des individus, le sexe affecte les résultats constatés dans le haut niveau, mais c’est loin d’être le seul facteur. Alors si l’extrême droite veut faire la chasse aux injustices, ce qui serait une première, qu’elle commence par regarder les inégalités de moyens entre sportifs des pays riches et ceux des pays pauvres et qui expliquent beaucoup mieux que les transitions de genre les écarts de résultats (pour l’exemple, l’Italie compte déjà neuf médailles d’or tandis que l’Algérie n’en a qu’une, grâce à une gymnaste qui, d’ailleurs, a la double nationalité franco-algérienne, et vit et s’entraîne en France).
Revenons à la boxe. Dans le cas de la championne Imane Khelif, toute la polémique est bâtie sur du sable. La boxeuse n’est pas trans, ce que n’ont d’ailleurs pas manqué de souligner les autorités algériennes en rappelant leur position très conservatrice sur la question, et aucune information sérieuse ne permet de dire qu’elle a un fort taux de testostérone, ni qu’elle a des chromosomes XY. Toutes ces rumeurs, reprises telles quelles par la presse, viennent du fait qu’elle a été interdite de concourir aux championnats du monde en 2023 après avoir échoué à un « test de genre » dont on ne connait pas le détail. Ces championnats étaient organisés par une fédération internationale de boxe, l’IBA, qui est en conflit ouvert avec le CIO (Comité international olympique) depuis des années et qui s’est fait retirer en 2019 l’organisation du tournoi olympique. Bref, toute cette histoire sent fort le règlement de comptes entre instances sportives, à des kilomètres du fair play qui est censé caractériser les rings.
Angela Carini, qu’Imane Khelif avait battue en huitièmes de finale, s’est depuis excusée pour tout ce qu’a provoqué sa défaite, et la boxeuse algérienne, dont la demi-finale avait lieu mardi 6 août, va essayer de ramener l’or en dépit de la campagne de déstabilisation dont elle fait l’objet.
Bastien Thomas