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CGI Le Haillan (33) : dixième semaine de grève pour les salariés du projet Meta4

À CGI, au Haillan (Bordeaux), des travailleurs du projet Meta4 – dont la Caisse des dépôts et consignations est le commanditaire – sont en lutte depuis le 26 février, jour où une grève a démarré. Sur un projet qui comptait en février dernier six salariés en CDI et deux alternants, trois CDI vont entamer leur onzième semaine de grève. Pour l’instant, leur grève ne s’est pas étendue au-delà de leur projet, à l’exception de débrayages presque hebdomadaires. Pourtant, c’est bel et bien de la grève de Meta4 dont on discute à CGI sur les plateaux, à midi et pendant la pause-café. Et pour cause, ce qu’ils demandent c’est ce qui manque à toutes et tous les travailleurs : des embauches et une augmentation de salaire de 450 euros net par mois.

Du « rêve CGI » au réveil de la lutte

CGI est une multinationale canadienne de services informatiques dont le fondateur, Serge Godin, est à la tête d’une fortune estimée à 3 milliards de dollars. En février dernier, il s’était versé 250 millions de dollars par une opération financière de revente d’une partie de ses actions à CGI, dont il reste aujourd’hui l’actionnaire majoritaire.

Autant dire que pour ses actionnaires, CGI représente un business juteux. D’autant plus juteux que, ces dernières années, si la direction aime faire miroiter aux travailleurs, et en particulier aux nouveaux arrivants, le « rêve CGI1 » – celui d’une grande famille, où les rapports d’exploitation sont mis sous le tapis –, pour les salariés, les conditions de travail se sont bel et bien dégradées et les salaires sont en berne face à l’inflation. La grande majorité des travailleurs touche moins de 2 000 euros par mois et les augmentations individuelles2 – que les directions de projets répartissent entre les salariés à partir d’une enveloppe globale dont le montant et les conditions de répartition sont décidés par la direction – vont de 4 ou 5 % à rien du tout. Pour justifier la faiblesse des augmentations, elle explique souvent, l’air compatissant, qu’elle n’est pas responsable de l’inflation et que ce n’est pas auprès d’elle qu’il faut venir demander de meilleurs salaires. Mais, inflation ou pas, quand c’est pour arroser les actionnaires, ses coffres-forts sont pleins ! Quant au sous-effectif, c’est la règle générale à CGI. Alors la pression est forte sur les équipes pour pouvoir respecter les délais trop courts imposés par la direction pour résoudre les « tickets » – généralement des problèmes informatiques signalés par le client. Dans le cas de Meta4, le besoin d’embaucher pour faire face à l’afflux de tickets est remonté à CGI par la Caisse des dépôts, le client du projet… depuis 20223 !

Ce projet est une poule aux œufs d’or pour CGI, avec des prestations qui coûtent cher et peu de salariés à payer. Le projet travaille sur un logiciel très spécifique, utilisé par la Caisse des dépôts pour le calcul des retraites, et peu de personnes, même spécialisées dans l’informatique, savent l’utiliser convenablement sans un certain temps de formation. Mais, bien sûr, pour des questions de profit, CGI préfère intensifier la charge de travail de celles et ceux qui travaillent déjà avec le logiciel plutôt que d’embaucher et de former de nouveaux collègues, et c’est donc elle la première responsable du sous-effectif.

Ces questions de salaire et de conditions de travail sont, pour les salariés de CGI Le Haillan, des préoccupations qui ne datent pas d’hier. Déjà, lors des mobilisations contre les deux dernières réformes des retraites (2019-2020, 2023), des travailleurs de CGI s’étaient organisés en collectif de lutte pour revendiquer, en plus du retrait des réformes, une augmentation de salaire. C’est d’ailleurs lors de cette dernière grève qu’ils ont adopté en assemblée générale la revendication : 400 euros d’augmentation pour tous, pas un salaire en-dessous de 2 000 euros.

Alors, quand en février dernier, les travailleurs de Meta4 ont appris qu’un ancien salarié de CGI revenait sur le projet avec une prime de 1 500 euros pour cinquante jours de travail4, le calcul a été rapidement fait : élargie sur une année, la prime correspond à environ 450 euros net par mois. Une excellente raison de se battre pour arracher cette augmentation pour toutes et tous !

Le bras de fer est politique

Dès que le préavis de grève a été déposé à la toute fin du mois de février, la direction a très vite compris ce qui se passait : le directeur de projet est rentré de congé en urgence pour tenter d’éteindre l’incendie, suivi dans la foulée par le directeur du site !

Mais sur le fond, la direction de CGI n’a rien d’autre à proposer aux grévistes que de reprendre le travail avant toute négociation. Un blocage de la direction qui s’est d’ailleurs installé dans le temps. Les grévistes ont donc rapidement compris que, même en bloquant par la grève leur projet, aussi rentable soit-il pour l’entreprise, leur grève ne pourrait faire le poids face au géant CGI que s’ils se tournaient vers d’autres projets (et d’autres entreprises !) pour briser l’isolement et tenter de s’étendre. Une pétition a alors été lancée pendant la quatrième semaine de grève, pour s’adresser à leurs collègues de CGI et de la Caisse des dépôts, et s’assurer de leur soutien. Elle a obtenu en quelques jours plus de 200 signatures. Plus récemment, le lancement d’une caisse de grève a permis à des collègues du site du Haillan et d’ailleurs de montrer leur solidarité. Mais l’enjeu est aussi, encore aujourd’hui, que la grève de Meta4 devienne celle de tous. Les débrayages nombreux organisés sur le site de CGI ont permis d’organiser des assemblées générales, parfois de plus de trente collègues.

Si la grève fait discuter localement à CGI et à la Caisse des dépôts, des collègues des sites de Grenoble ou de Niort ont aussi tenté de diffuser l’information, par exemple en distribuant les tracts des grévistes.

Dans sa politique d’isoler la grève, la direction de CGI a fait le choix, à partir du 14 mars, de cesser tout contact avec les grévistes de Meta4. Mais face aux initiatives des grévistes de se tourner vers leurs collègues et vers l’extérieur, c’est la DRH de CGI France-Luxembourg qui est venue discuter avec eux le 4 avril. Toujours pour servir le même discours que celui du premier jour de grève : reprenez le travail, on discutera ensuite.

D’un autre côté, depuis le début de la grève, la direction de CGI a été contrainte d’augmenter les effectifs du projet Meta4 pour briser la grève. Elle a embauché et commencé à former deux CDI au logiciel du projet, mais elle a surtout fait venir des travailleurs de CGI depuis d’autres projets, ou embauché des prestataires. Grévistes et alternants compris, le projet est passé de huit personnes au total, à quinze désormais. Pour l’instant, il n’y a aucune garantie que la question du sous-effectif soit résolue. La direction peut très bien renvoyer les prestataires, ou muter les CDI ailleurs.

Pour que toutes les revendications des grévistes de Meta4 soient satisfaites, il serait important que la grève s’étende. Sur ce terrain-là, tout est encore possible. Mais, par les discussions que la grève fait émerger parmi les collègues et par l’expérience accumulée dans la lutte, la grève est d’ores et déjà une petite victoire pour les grévistes et une défaite pour CGI : malgré ses pressions et ses tentatives de contourner les grévistes, la grève tient bon. Et, ce qui les inquiète, c’est qu’elle prépare les combats à venir.

Fred Bailhau

 

 
1  L’expression est de la direction.

2  Il n’y a pas eu d’augmentation générale chez CGI ces dernières années.

3  Cela va même déclencher une réunion de crise entre CGI et le client à l’automne 2023.

4  La prime vient de son employeur actuel, et pas de CGI. Mais c’est bien CGI qui a négocié cette prime, avec son nouvel employeur, pour qu’il accepte de revenir.