Il ne s’agit pas de paniquer face à sa poussée électorale incontestable dans le monde, mais de comprendre que l’extrême droite est à la fois le résultat et l’instrument du système capitaliste dans la période actuelle, caractérisée par une offensive patronale continue qui fait monter en flèche les inégalités sociales : accumulation de misère à un pôle et de richesses à un autre, qui commence à saper les bases mêmes de la prétendue « démocratie bourgeoise ». C’est aussi l’expression de l’instabilité du système dans un contexte international où la concurrence de plus en plus rude entre puissances capitalistes anciennes (États-Unis, France, Allemagne, Royaume-Uni) et émergentes (au premier rang desquelles la Chine et de manière secondaire la Russie) accélère le militarisme et les conflits guerriers.
Il ne peut exister de lutte sérieuse contre l’extrême droite sans s’en prendre aux causes de son développement : la logique du profit capitaliste. Tous les fronts électoraux destinés à « faire barrage » n’ont fait que monter l’eau. Biden contre Trump, Macron contre Le Pen, Starmer contre Farage ? Quand ils n’ont pas déjà favorisé l’arrivée d’un gouvernement d’extrême droite, ils appliquent eux-mêmes sa politique. Leur complicité avec le régime suprémaciste et génocidaire de Netanyahou l’a clarifié aux yeux des millions qui se sont mobilisés dans le monde en solidarité avec le peuple palestinien.
De larges fractions de la jeunesse et du monde du travail sont révoltées par la démagogie anti-ouvrière, raciste, anti-migrants et militariste et de ce fait immunisées contre l’extrême droite et tous ceux qui lui courent après. C’est ce ressentiment légitime que tentent de canaliser dans le cadre du capitalisme des mouvements qui se présentent comme plus radicaux, voire en « rupture », comme Podemos, Die Linke, La France insoumise, DSA (aile gauche dite « socialiste » du Parti démocrate) ou Your Party de Corbyn. Certains de ces partis ont déjà connu une poussée électorale dans la décennie 2010. Mais sans autre perspective qu’une arrivée rapide au gouvernement et donc à la gestion des affaires de la bourgeoisie, ils se sont condamnés à des alliances avec les partis avec lesquels ils prétendaient rompre. Sanders a rallié Biden, Podemos le PSOE de Sánchez, Die Linke a gouverné des Länder avec le SPD et Mélenchon a remis en selle le PS avec la Nupes puis le NFP. Seul Syriza en Grèce a démontré que cette gauche prétendue « de rupture » pouvait trahir même en gouvernant sans les vieux PS détestés !
Cette « gauche de la gauche » connaît aujourd’hui un nouvel essor en tentant de canaliser les aspirations de la jeunesse. Mais la radicalité de son discours d’opposition ne dépasse pas celle la gauche institutionnelle sociale-démocrate ou stalinienne des années 1970.
La situation est pourtant marquée par une polarisation politique entre deux camps inconciliables : les travailleurs et la jeunesse d’un côté et la bourgeoisie de l’autre. Si ce sont les milliardaires et leurs serviteurs politiques d’extrême droite qui engrangent les succès électoraux, la lutte des classes est bien là. En témoignent les révoltes de la « GenZ » qui secouent le Pérou, Madagascar, le Maroc ou le Népal. En témoignent aussi les grèves générales massives et parties de la base qui ont réveillé une radicalité ouvrière dans l’Italie de Meloni – et qui représentent un espoir concret d’infliger des reculs à cette extrême droite conquérante.
Ces mouvements de révolte de la jeunesse ou de grèves des travailleurs sont le seul remède non seulement pour combattre l’extrême droite mais aussi le système capitaliste qu’elle défend. Dans ces luttes, nous proposons l’unité d’action la plus large. Mais sur le terrain de l’organisation politique, l’urgence est à la construction d’une force révolutionnaire qui s’appuie sur ces mouvements, ne cherche pas à les canaliser dans les urnes, mais au contraire à en faire l’instrument d’une politique en faveur des classes populaires : élargir les brèches ! Un pôle des révolutionnaires qui affirme son ancrage ouvrier, sa solidarité avec les révoltes de la jeunesse contre toutes les oppressions, sa perspective d’une société communiste, en toute indépendance de la gauche institutionnelle.
RP et GQ
Sommaire du dossier
- Combattre l’extrême droite avec les armes de la lutte de classe
- Le Parti démocrate ne propose rien de sérieux face à l’assaut de l’extrême droite aux États-Unis
- Zohran Mamdani : un véritable espoir pour la classe ouvrière de New York ?
- Allemagne : l’AfD continue à s’ancrer dans le paysage
- L’extrême droite veut un Torre-Pacheco global
- Polarisation politique au Royaume-Uni : seule une opposition ouvrière au gouvernement Starmer pourra combattre la progression de l’extrême droite dans les classes populaires