Les vidéos s’accumulent et font le tour du monde, montrant les cohortes de policiers anti-émeutes lâchés par les autorités américaines, encore cette nuit du samedi 27 avril au dimanche 28 avril, contre les étudiants qui, en nombre croissant sur des campus universitaires du pays, dénoncent le génocide commis par l’État sioniste d’Israël à Gaza, exigent un cessez-le-feu et récusent le soutien militaire des États-Unis à Israël. Malgré ces interventions policières brutales, malgré des interpellations massives et tentatives de démanteler les campements de toile, avec usage de gaz lacrymogène et de Taser, et surtout malgré l’abjecte présentation des protestataires comme autant d’antisémites ou apôtres du terrorisme, le mouvement étudiant continue manifestement à s’intensifier. À noter la présence de nombreux jeunes de milieux juifs américains qui tiennent à dire haut et fort que les massacres perpétrés en Palestine ne le sont pas en leur nom. De Los Angeles à Washington, de New York à Austin ou Atlanta, la mobilisation étudiante ne faiblit pas en ce week-end des 27 et 28 avril, et fait des émules partout dans le monde. Dont en France, à partir de Sciences Po Paris et occupation aussi d’un amphithéâtre de Sciences Po Le Havre, dont on verra dans les jours qui viennent si elle s’élargit à d’autres villes et universités. La jeunesse mobilisée n’ignore certainement pas les crimes commis par le Hamas le 7 octobre 2023, mais elle est à juste titre scandalisée qu’une bonne partie des prétendues élites du monde bourgeois, à l’unisson des responsables gouvernementaux des grands États impérialistes (comme Biden et Macron en France), continuent à apporter leur soutien politique, moral et matériel (dont militaire) à un régime d’extrême droite israélien qui a déjà le sang de 35 000 morts gazaouis sur les mains. De trois fois plus de blessés. De centaines de milliers d’affamés. Et se prépare ouvertement à bombarder Raffah. Non, décidément, pas de justice, pas de paix contre ces assassins. Et vive la lutte de la jeunesse estudiantine mobilisée !
Ci-après, un article publié sur le site de nos camarades de Speak Out Now, le 23 avril 2024
Partie de l’université de Columbia, la mobilisation pour la Palestine s’étend !
Depuis l’attaque du Hamas contre Israël le 7 octobre et la guerre génocidaire qu’Israël mène depuis contre les Palestiniens, de nombreuses universités sont en proie à une lutte larvée entre ceux qui soutiennent la politique sioniste d’Israël et ceux qui la contestent.
Peu de temps après la mise en place de la « réponse » démesurée de l’État d’Israël à l’attaque du 7 octobre et l’évidence que cette guerre avait pour but de détruire Gaza et de déplacer des populations à très large échelle, des mobilisations [de soutien au peuple palestinien]ont vu le jour à travers les États-Unis et de nombreux autres pays, tant sur les campus universitaires que dans les rues.
En retour, les réactionnaires de droite – dans les champs économique, politique, médiatique et partout ailleurs – ont rapidement tenté de discréditer et de faire taire les manifestants. Ils ont hurlé que les manifestations étaient antisémites (leur réponse usuelle pour étouffer toute critique des politiques israéliennes…). Ils ont photographié et « doxé »1 des manifestants tandis que des professeurs de droite ont harcelé et tenté de sanctionner les étudiants mobilisés. Deux anciens soldats de Tsahal, l’armée israélienne, ont pour leur part attaqué des manifestants avec un spray répulsif, ce qui a entraîné leur hospitalisation. Et ces exemples ne sont qu’une courte liste de ce qui s’est passé uniquement à l’université Columbia de New York !
Au Congrès, les soutiens à la politique sioniste de l’État d’Israël ont également pris position contre les mobilisations. Parmi eux, on retrouve beaucoup de ceux qui tentent déjà de saper l’enseignement public, de décrédibiliser les enseignants et d’étouffer l’enseignement honnête de toute histoire ou perspective qui remettrait en cause leur conception religieuse de ce que les États-Unis devraient être. En décembre, ils ont convoqué et attaqué les présidents de l’université de Harvard et du MIT (Massachusetts Institute of Technology) [à Cambridge près de Boston] et de l’université de Pennsylvanie, les obligeant soit à adopter une politique plus ferme pour mettre fin aux manifestations soit à démissionner. En mars, en réponse aux étudiants mobilisés de l’université Vanderbilt, dans le Tennessee, le président de l’université a unilatéralement annulé un vote de l’association des étudiants sur le désinvestissement d’Israël, puis a suspendu et menacé d’expulser les étudiants qui protestaient contre cette attaque flagrante de leur liberté d’expression.
Cet affrontement a finalement atteint son paroxysme la semaine dernière lorsque la présidente de l’université de Columbia, Nemat Shafik, a été auditionnée au Congrès. Pendant des mois, les étudiants mobilisés ont exigé que l’université soit transparente sur les liens financiers qu’elle entretient avec Israël et les entreprises israéliennes, qu’elle se désengage de ces investissements et que les étudiants soient autorisés à exprimer leur droit à la liberté d’expression sans être menacés, suspendus ou sanctionnés d’une quelconque manière. À l’occasion de son témoignage, plus d’une centaine d’étudiants ont installé des tentes sur la pelouse principale du campus afin de l’occuper jusqu’à ce que leurs revendications soient satisfaites.
Plutôt que de s’opposer aux affirmations malhonnêtes des membres réactionnaires du Congrès, Mme Shafik a en fait approuvé tous leurs dires, reconnaissant que les manifestants encourageaient l’antisémitisme et que les étudiants juifs ne se sentaient pas en sécurité. Elle a accepté de réprimer les manifestants et de prendre des mesures disciplinaires voire de licencier au moins deux professeurs qui ont critiqué la violence sioniste de l’État d’Israël. Dès le lendemain de son audition, le 17 avril, elle a demandé à la police de New York – en qualifiant les manifestants, des étudiants de sa propre université, de « danger clair et immédiat » – de les arrêter et de démonter leurs tentes. Malgré le fait que Columbia a ses propres agents de sécurité publique, ce sont les agents de la police de New York, en tenue anti-émeute, qui sont intervenus et ont arrêté 108 étudiants.
Cette répression politique et cette volonté d’étouffer la liberté d’expression ont déclenché ce qui est en train de devenir un soulèvement étudiant national contre la guerre sioniste menée par l’État d’Israël et pour la défense de la liberté d’expression des étudiants. Malgré les arrestations, les étudiants de Columbia ont immédiatement réoccupé la pelouse et dormi la nuit suivante sur place, sans tentes, malgré le froid et la pluie. Le samedi 20 avril, des habitants de la région de New York se sont rassemblés à l’entrée du campus pour soutenir les étudiants mobilisés. Pendant la nuit et le lendemain, les tentes sont réapparues sur la pelouse, et l’espace a été effectivement réoccupé. Dans le même temps, des étudiants du MIT, de l’université de Yale [dans le Connecticut], et probablement d’ailleurs, ont installé leurs propres petits campements en solidarité avec les étudiants de Columbia.
Dimanche 21 avril, 54 professeurs de la faculté de droit de Columbia ont pour leur part publié une lettre condamnant la réponse de la présidente de l’université aux manifestations étudiantes. Et lundi 22, après que Shafik a annoncé l’annulation des cours en présentiel pour de prétendues raisons de sécurité, plus de 100 professeurs ont organisé un rassemblement au centre du campus, sous le regard des étudiants occupants et de centaines d’autres étudiants. Ils brandissaient des pancartes sur lesquelles on pouvait lire : « Ne touchez pas à nos étudiants », « Mettez dès maintenant fin aux suspensions d’étudiants » et « Rétablissez la démocratie universitaire ». Des discours prononcés par deux historiens respectés ont dénoncé les actions de la présidente.
Dimanche et lundi, de nouveaux campements ont continué à voir le jour dans d’autres universités du pays : université de Caroline du Nord, Charlotte ; université du Minnesota ; université de Californie, Berkeley ; Cal-State Polytechnic Institute ; université Vanderbilt ; université du Michigan ; université de New York ; New School (également à New York) ; Emerson College et TuftsUniversity (tous deux dans la région de Boston) ; et probablement d’autres dont nous n’avons pas encore entendu parler. La police de New York a été appelée pour démanteler un campement à l’université de New York, où 133 personnes ont été arrêtées… et où les étudiants ont depuis réoccupé l’espace, rejoints par des centaines d’autres sympathisants.
Ces manifestations, bien qu’encore modestes par rapport à des mobilisations de masse, sont peut-être le soulèvement le plus profond des étudiants aux États-Unis depuis 1968, lorsque les étudiants de facultés comme Columbia et Cal-Berkeley étaient à l’avant-garde du militantisme étudiant, luttant contre la guerre du Viêt Nam, pour la libération des Noirs américains, pour une gestion plus démocratique de leurs campus et pour leurs droits à la liberté d’expression. Les étudiants d’aujourd’hui luttent eux aussi contre une guerre génocidaire d’oppression et d’agression soutenue par l’impérialisme américain. Ces étudiants se battent eux aussi pour la justice pour un peuple opprimé. Et ces étudiants prennent aussi position pour leur droit de s’exprimer et de penser politiquement sans être intimidés, « doxés » voire arrêtés par la police.
Il est encore trop tôt pour savoir comment ce mouvement va évoluer. L’exemple des étudiants qui occupent leur fac pourrait en pousser encore davantage à se mobiliser dans les jours à venir. Si l’agression sioniste de la part de l’État d’Israël ne s’arrête pas d’elle-même et pourrait même continuer à s’aggraver, le mouvement sur les campus lui non plus ne prendra certainement pas fin du jour au lendemain. Au contraire, il pourrait s’étendre et s’intensifier. L’enjeu principal est de savoir si d’autres segments de la population se joindront à cette lutte, y compris dans la classe ouvrière.
Nous soutenons les étudiants qui luttent depuis plusieurs mois et de plus belle aujourd’hui contre la machine de guerre sioniste soutenue par les États-Unis et ses nombreux propagandistes.
1 Le doxing correspond à divulguer en ligne des informations personnelles sur une personne (nom, adresse, travail, numéro de téléphone…)