Nos vies valent plus que leurs profits

Contre l’Europe des barbelés. Pour un monde sans patrons ni frontières

Trois migrants, dont une fillette de 7 ans, sont morts noyés ce 28 février en tentant de joindre l’Angleterre, portant à une vingtaine le nombre de morts en un an dans la Manche, une frontière entre l’Europe et l’Europe. Près de trois mille migrants sont morts au cours de l’année écoulée en Méditerranée, frontière entre l’Europe et l’Afrique.

Mais les 705 parlementaires européens, tous représentants des intérêts de la bourgeoisie, les près de 50 000 lobbyistes appointés par les grandes entreprises pour grenouiller autour d’eux à Bruxelles et dicter les directives de l’UE n’ont qu’un souci : éviter de perdre le moindre centime des profits de leur commerce international, protéger de la concurrence le marché de la partie du continent qui a l’honneur d’appartenir à l’Union européenne, pendant que les capitaux de PSA-Fiat, devenu Stellantis, de Total, de Bosch ou de Bayer, de Volkswagen, EDF et autres Airbus volent (aux deux sens du terme) aux quatre coins de la planète.

Tous les politiciens qui gouvernent ou qui rêvent d’arriver au pouvoir pratiquent la surenchère, xénophobe et raciste, un jour au nom de la nation, un autre jour (selon le calendrier électoral le plus proche) au nom de cette petite Europe étriquée dans ses frontières et ses barbelés, dans le but de tenter de diviser les travailleurs et de pouvoir surexploiter ceux d’entre eux qui, privés de papiers et de droits, expulsables à tout moment, sont contraints d’accepter les travaux les plus durs et les plus mal payés.

Les manifestations du 23 mars, pour la liberté de circulation et l’attribution de titres de séjour à tous les travailleurs immigrés, à l’occasion de la journée internationale contre le racisme, ont d’autant plus d’importance cette année que, de Macron et Darmanin d’un côté à Le Pen et Bardella de l’autre, c’est à qui renchérira le plus sur le terrain des préjugés racistes et de la chasse aux migrants. C’est l’attaque aujourd’hui contre l’Aide médicale d’État pour priver les immigrés même du droit de se soigner. Ça a été cette nouvelle loi immigration que le gouvernement a encore durcie pour capter les voix du RN et face à laquelle la gauche n’a pas trouvé grand-chose à redire, sauf à se satisfaire que le Conseil constitutionnel, présidé par le socialiste Fabius, retoque la fin du droit du sol pour valider tout le reste. Droit du sol qui a été remis en cause quelques semaines plus tard à Mayotte pour priver de droit à la nationalité française les enfants nés sur cette île des Comores devenue département français, mais de parents immigrés venus des îles comoriennes voisines. Darmanin surenchérit sur le RN en tablant sur la misère des Mahorais pour prétendre les protéger de plus pauvres qu’eux. Toutes ces démagogies vont être cette année au menu des joutes électorales de l’élection européenne. Le RN, dont c’est le fonds de commerce, compte en récolter les fruits. Les macronistes lui courent après. La gauche, elle, place son nationalisme sur le terrain économique, contre les délocalisations industrielles en Europe centrale, voire au Maroc, qui seraient la cause du chômage ici. Comme s’il valait mieux le mettre là-bas pour qu’il y ait moins de chômeurs ici. Comme s’il ne fallait pas au contraire organiser la lutte des travailleurs par-delà les frontières, à l’échelle même où les patrons organisent l’exploitation.

Les travailleurs n’ont pas de patrie, mais des intérêts communs. Contre l’Europe des patrons, contre l’Europe forteresse, nous sommes pour l’Europe des travailleurs, et une Europe sans frontières, ouverte à tous les travailleurs, qu’ils viennent d’Afrique, de Turquie ou d’ailleurs, et qui doivent avoir les mêmes droits. Une Europe des luttes pour se débarrasser de l’exploitation capitaliste, de ses injustices et de ses guerres. Plus largement encore pour un monde sans frontières.

5 mars 2024, Olivier Belin

 

 

(Article paru dans Révolutionnaires numéro 11, mars 2024.)