Dimanche 30 juillet, une manifestation de soutien au coup d’État militaire qui a renversé mercredi 26 juillet le président du Niger, Mohamed Bazoum, a eu lieu devant l’ambassade de France à Niamey, la capitale du pays. Elle était appelée, entre autres, par le mouvement civil M62, un mouvement créé en août 2022 contre le déploiement des troupes françaises dans le pays ainsi que contre des exactions de l’armée nigérienne, mais favorable aux militaires putschistes. Les manifestants ont chanté des slogans réclamant le départ des troupes françaises du Niger.
Ce même dimanche, face au coup d’État qui avait renversé un président ami de la France, Emmanuel Macron a tenu une réunion solennelle du Conseil de défense, prévenant que la France « répliquera de manière immédiate et intraitable » en cas d’attaque, ajoutant : « Le président de la République ne tolérera aucune attaque contre la France et ses intérêts. »
De leur côté, les dirigeants de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao) ont réagi en ordonnant un blocus économique du Niger (à la population de payer comme toujours !) et en fixant un ultimatum d’une semaine à la junte pour restaurer l’ordre constitutionnel, n’excluant pas un « recours à la force ». L’Union européenne a également annoncé des sanctions.
La rodomontade de Macron ne peut masquer le fait que ce coup d’État et cette manifestation constituent un nouveau camouflet pour l’impérialisme français au Sahel et en Afrique. Après les coups d’État au Mali et au Burkina Faso, l’armée française, déployée dans ces différents pays dans le cadre de l’opération Barkhane, avait dû se replier au Niger et au Tchad. Environ 1500 militaires français sont présents dans le pays, ainsi que plusieurs drones de combat ultra-sophistiqués Reaper et des avions Mirage. Une nouvelle doctrine militaire avait été mise en place après l’échec du Mali : les troupes françaises étaient « en partenariat » avec l’armée nigérienne et théoriquement sous commandement nigérien.
Le Niger est en outre un des plus gros producteurs au monde d’uranium. C’est le deuxième plus gros fournisseur de la France, derrière le Kazakhstan. Après avoir épuisé la mine d’Arlit, Orano (ex-Areva) s’attaque maintenant au site d’Imouraren. La France est par ailleurs très impliquée dans le pays via l’Agence française de développement (AFD), qui a investi en 2022 une centaine de millions d’euros pour des projets de construction.
La presse bourgeoise française a beaucoup insisté sur la présence de drapeaux russes dans la manifestation devant l’ambassade française à Niamey. Toutefois, comme beaucoup d’observateurs le soulignent, il ne faut pas y voir absolument la main de Moscou. D’ailleurs, la Russie fait partie des États qui, avec l’Union européenne et l’ONU, ont condamné la prise de pouvoir des militaires. En réalité, ce putsch apparaît d’abord comme un putsch corporatiste, les militaires agissant dans leur propre intérêt. Le président de la République, Mohamed Bazoum, avait tenté de réformer l’état-major depuis plusieurs mois. Lorsqu’il a voulu remplacer le chef d’état-major de la garde présidentielle, les militaires l’ont renversé.
Mais surtout, la manifestation devant l’ambassade de France à Niamey illustre le rejet grandissant de l’impérialisme français en Afrique. Macron, les dirigeants européens et ceux de la Cédéao, qui se prétendent les hérauts de la démocratie, ont dépêché, pour une médiation avec les putschistes, le dictateur tchadien Idriss Déby, lui qui s’est lui-même, à la tête d’une junte militaire, arrogé les pleins pouvoirs à la mort de son père, avec la bénédiction de Macron. Depuis 2013, et le début des opérations Serval, Épervier et Barkhane, dans le but prétendu de lutter contre les groupes djihadistes, la présence militaire française n’a servi qu’à renforcer des régimes autoritaires et à militariser la région. Plus que jamais, nous devons exiger le retrait des troupes françaises du Sahel et du reste du monde.
Aurélien Perenna