Après avoir pendant près de deux ans soutenu les massacres perpétrés par Israël en Palestine, les dirigeants européens réunis le week-end dernier à Madrid auraient soudain découvert que trop c’est trop. Il faudrait, ont-ils déclaré, « arrêter cette guerre qui n’a plus de but » (en avait-elle donc pour eux auparavant ?) « Et faire entrer l’aide humanitaire de façon massive ». Pas au point de forcer le passage de Rafah gardé par l’armée israélienne, juste prier Netanyahou de laisser passer quelques subsides.
Ce qui leur fait virer leur cuti, ce n’est pas le sort du peuple palestinien. C’est leur inquiétude que la prolongation du massacre et les projets de Netanyahou ne déstabilisent toute une région où ils ont tant d’intérêts.
Le rêve de nettoyage ethnique de Netanyahou
Le 12 mai dernier, devant la commission des Affaires étrangères du Parlement israélien, Netanyahou s’est félicité qu’Israël ait « détruit de plus en plus de maisons ». « Le seul résultat évident sera que les Gazaouis choisiront d’émigrer en dehors de la bande », a-t-il ajouté, « mais notre principal problème est de trouver des pays pour les accueillir. »
Netanyahou avait envisagé dès le début de sa guerre à Gaza d’installer de vastes camps de réfugiés dans le Sinaï égyptien. Le président égyptien, le Maréchal Sissi, y avait mis son veto, déclarant le 18 octobre 2023, lors d’une conférence de presse aux côtés du chancelier allemand venu lui rendre visite : « J’ai mis en garde à plusieurs reprises contre l’idée de déplacer des Palestiniens vers l’Égypte ou la Jordanie […] Je propose de déplacer les citoyens de Gaza vers le Néguev en Israël, jusqu’à la fin de la guerre ». Et pour qu’Israël garde ses Palestiniens, quitte à les parquer dans son désert du Néguev, le maréchal ajoutait qu’il appellerait les Égyptiens à descendre dans la rue contre ce projet, au nom, précisait-il, de la « sécurité » de l’Égypte. Une manifestation, il l’avait eue deux jours plus tard, le 20 octobre, bien plus massive qu’espérée, et reprenant des slogans pro-palestiniens comme des slogans pour le pain et la liberté, comme lors de la révolte égyptienne de 2011, contre le gouvernement. Ce fut la dernière et la plus grosse manifestation en Égypte, après quoi le couperet est retombé, interdisant toute protestation et multipliant les arrestations d’opposants.
Les grandes puissances et leurs gendarmes régionaux
Aujourd’hui, avec Gaza en ruine, une population affamée et plus de 54 000 morts, c’est à nouveau ce projet de vider l’enclave de ses habitants que le gouvernement israélien met en avant. Et Macron et ses semblables à la tête des grandes puissances impérialistes s’inquiètent des révoltes que la surenchère d’un Netanyahou pourrait finir par susciter. Et si volait en éclat l’« ordre » dans la région ? Ce à quoi s’ajoute la crainte des gouvernants de pays voisins d’Israël de voir déferler chez eux 2,2 millions de pauvres de plus.
Depuis déjà un mois, Macron a donc changé de discours. Lors de sa visite en Égypte où il a rencontré le maréchal Sissi, mais aussi Abdallah II, roi de Jordanie, flanqué du ministre des Transports et de quelques autres, dont le PDG d’Alstom (pour le marché de la future ligne 6 du métro du Caire), Macron a parlé « affaires ». Mais aussi de la reconnaissance d’un État palestinien. Mais quel État ? Une bande de Gaza en ruines, une Cisjordanie rongée par les colonies sionistes, gérées par une autorité sur laquelle les grandes puissances, voire Israël, auraient de fait la main ?
On ne sait plus comment juger un tel cynisme. Continuons à manifester contre le génocide perpétré par un État sioniste assassin, et des États impérialistes complices !
Olivier Belin