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Danse avec tes chaînes, roman de Anaëlle Jonah

Danse avec tes chaînes
Anaëlle Jonah
Éditions Fayard, août 2024, 350 p., 22,90 €

Un roman sur les « enfants de la Creuse »

Ce premier roman d’Anaëlle Jonah, publié à la rentrée littéraire 2024, traite de ce sujet encore peu connu (lire cet article). Le titre est inspiré d’une citation de Nietzsche : « la liberté c’est de savoir danser avec ses chaînes ».

1974 : Marie-Thérèse, avant-dernière d’une fratrie de quatre enfants réunionnais, se réjouit de partir en France, dont une carte postale de Notre-Dame de Paris la fait rêver. Sa mère, veuve et pauvre, vient d’accepter la proposition d’une assistante sociale d’envoyer ses enfants en France métropolitaine, où de grandes études les attendent.

C’est le début d’un long périple, d’une institution religieuse à La Réunion à un foyer d’accueil à Guéret (Creuse), où la fratrie est séparée, malgré les promesses contraires. Marie-Thérèse et son jeune frère Joseph finissent par être confiés à un couple d’agriculteurs creusois et là, les masques tombent. Il n’est pas question d’aller à l’école, alors que Marie-Thérèse adorait ça. Il faut travailler à la ferme, dans des conditions très pénibles et sous les coups et humiliations de l’homme de la maison.

Alternant le récit du quotidien malheureux des enfants, de leurs tentatives pour s’en sortir, avec le retour des années plus tard de Marie-Thérèse à La Réunion, le roman est d’une lecture poignante. Et nous met en rage devant les mauvais traitements infligés à ces enfants, car tout fictionnels soient-ils dans le roman, ils rendent bien compte des conséquences d’une décision politique colonialiste de l’État français.

Liliane Laffargue