Périodes chaudes puis sèches, pluies abondantes et inondations qui pourtant ne reconstituent pas toutes les nappes phréatiques, pollutions : l’approvisionnement en eau potable devient un problème en France, comme dans beaucoup d’autres régions du monde.
Dégradation de la biodiversité dans les rivières et des produits chimiques persistants dans l’eau du robinet…
Le 22 mai, le WWF1 dénonce : « les activités humaines ont multiplié les sources de dégradation : barrages, dragages et canalisations en tout genre, prélèvements excessifs, rejets de pesticides, d’engrais ou de polluants industriels. » Il constate un effondrement de la qualité des petits cours d’eau dans le milieu rural depuis 70 ans.
Quant aux pollutions industrielles des eaux souterraines, des journalistes du Monde dressent un bilan2 : « Pesticides, nitrates, solvants et autres produits chimiques s’infiltrent dans nos nappes et y persistent. […] plus d’un quart des stations de contrôle de France ont enregistré au moins un dépassement de leurs valeurs seuils entre 2016 et 2023 »… pour celles qui sont mesurées !
Résidus des bombardements des deux guerres mondiales ; « polluants éternels » (comme le bisphénol) utilisés pour la fabrication de plastiques qui voyagent dans les nappes proches du Rhin et du Rhône ; chlordécone utilisé aux Antilles dans les bananeraies jusqu’en 1993, qui persistera des dizaines d’années dans les nappes et la terre, etc. Conséquences : cancers, diabètes, incidences sur la reproduction ou l’immunité.
Des mégabassines : pour irriguer les fruits et légumes… ou les profits ?
Les deux giga-bassines contre lesquelles nous avons manifesté à plus de 6000 le 11 mai 2024 dans le Puy-de-Dôme accapareront l’eau pour 36 exploitations (sur les 5 700 du département) qui sont en contrat avec Limagrain, quatrième semencier mondial. Irrigation qui ne bénéficiera qu’à une agriculture industrielle avec ses « filières d’export de maïs hybride ».
Lors du congrès de la FNSEA3 en mars 2024, le ministre de l’Agriculture s’est targué de maintenir son soutien aux « agriculteurs qui ont besoin de pouvoir irriguer leur culture » et d’assurer « la souveraineté alimentaire en France ».
Comme si les mobilisations de Stop méga-bassines empêchaient de construire les retenues qui irriguent les champs de légumes et les vergers : enfumage de ministres pour masquer l’accaparement de l’eau pour une agriculture polluante, fortement subventionnée, plus tournée vers la production d’énergie (éthanol, méthaniseurs) que de nourriture !
Les agences de l’eau empêchées de stopper les dégradations à l’œuvre depuis plus de 50 ans
Les mégabassines comme celle de Sainte-Soline (Deux-Sèvres) sont remplies en pompant dans les nappes phréatiques. Dans le Puy-de-Dôme, en Limagne, c’est en pompant l’eau de l’Allier (zone qui doit assurer l’alimentation en eau potable de plus de 200 000 habitants).
Ce territoire avait maintenu des zones humides qui permettaient la rétention d’eau lors des pluies, la réalimentation des cours d’eau et des nappes en période sèche, avec un système partiel et superficiel de drainage, avec des systèmes de polyculture-élevage. Dans les années 1960, le « plan Limagne » a remembré et drainé systématiquement tout le territoire qui souffre désormais régulièrement de sécheresse.
Drainage, pratiques agricoles récentes et imperméabilisation des sols sont aussi probablement la cause des crues records de l’Aa qui ont provoqué les inondations dans le Nord-Pas-de-Calais.
Les dernières réponses du gouvernement : court-circuiter les recours juridiques et piétiner les protections environnementales, pour ne pas remettre en cause la fuite en avant des firmes agro-industrielles. Ce qui provoque une grande inquiétude au sein des Agences de l’eau.
Créées en 1964 pour gérer les fleuves de la source à l’estuaire (sur six grands bassins hydrographiques en métropole), elles financent des projets pour « gérer et préserver les ressources en eau et les milieux aquatiques » avec les redevances collectées à 75 % grâce aux factures d’eau des ménages. Un pactole de deux milliards d’euros par an, que l’État et la FNSEA voudraient contrôler, sans compte à rendre.
Ce n’est pas une fatalité !
C’est à nous, habitants et habitantes, travailleurs et travailleuses des villes et des campagnes de lutter et d’imposer nos solutions pour un monde viable. Se battre contre l’accaparement ou la pollution de l’eau est indispensable pour trouver des formes de gestion des territoires qui protègent la vie, la terre et l’eau, contre la prédation des firmes capitalistes.
Prochain RV : 16-21 juillet 2024 Poitou : mobilisation internationale – stop méga-bassines
Élise Moutier
1 En anglais : World Wide Fund for Nature (Fonds mondial pour la nature).
2 https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/visuel/2024/05/15/300-contaminants-dans-nos-nappes-polluant-par-polluant-notre-analyse-des-eaux-souterraines-en-france_6233361_4355770.html
3 Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles.