
Luca de Meo a annoncé quitter son poste de directeur-général d’ici le 15 juillet pour prendre la tête du groupe Kering, l’empire du luxe possédé par le milliardaire François Pinault. Les salariés ne regretteront pas de Meo et la casse sociale qu’il a orchestrée ces dernières années.
À l’été 2020, Luca de Meo est débauché du groupe Volkswagen pour appliquer une thérapie de choc chez Renault, succédant à Carlos Ghosn (qui avait fui au Liban pour échapper à la justice japonaise qui l’accusait de malversations financières) et dans un contexte de concurrence exacerbée. Avant même son arrivée, la direction de Renault envisageait un plan d’économie de grande envergure… et cherchait le mercenaire patronal capable de l’appliquer. Réputé plus souriant que son homologue de chez Stellantis – Carlos Tavares – il n’est en pas moins brutal. Son plan baptisé « Renaulution » n’a rien de révolutionnaire : restaurer les profits des actionnaires en baissant les coûts et en vendant plus cher.
Les prix des voitures grimpent en flèche tandis que la direction pressure les salariés. Entre 2020 et 2025, le groupe supprime 70 000 postes dans le monde, dont 8 000 en France. L’usine de Choisy-le-Roi est fermée, plusieurs sous-traitants sont liquidés, des milliers de salariés prestataires et intérimaires sont mis dehors des usines et des centres techniques. Pour éviter des licenciements (et les quelques contraintes légales encore liées à cette procédure), De Meo lance de nouveaux plans de départs volontaires… en poussant les salariés vers la sortie quand ils ne sont pas assez « volontaires ». Ceux qui restent subissent la hausse des cadences et voient les salaires stagner. Et le plan d’économie continue. À l’été 2024, de Meo stoppe l’activité d’Alpine F1 et ses 350 salariés du site de Viry-Châtillon. Trois mois plus tard, il abandonne la Fonderie de Bretagne (encore 350 salariés menacés). En parallèle, il signait avec des syndicats à ses ordres (CFE-CGC, CFDT et FO) un accord d’entreprise triennal entérinant la suppression de jours de congés et permettant aux différentes filiales de procéder à des plans de départs volontaires.
Car dans la perspective du passage à l’électrique, de Meo démantèle le groupe Renault en une cascade de filiales, spécialisées dans des technologies particulières (Horse pour le thermique et l’hybride, Ampère pour les voitures électriques et il aurait même des projets en lien avec l’industrie de la défense…). Des branches destinées à être élaguées (avec leurs employés) selon l’évolution de la technologie, de la réglementation et du marché. Ainsi la filiale « modèle » Ampère (censée rivaliser avec Tesla) n’est finalement jamais introduite en bourse et ses salariés à présent sont menacés par l’essor des véhicules hybrides, puisque la direction les met en concurrence avec d’autres filiales.
Plus que le départ du patron, c’est bien son bilan qui a de quoi inquiéter les salariés sur leur avenir. De Meo devait annoncer un nouveau plan baptisé « Futurama » d’ici la fin de l’année. Il est parti avant, mais pas les mains vides, puisqu’il venait de négocier une rémunération record de 13 millions d’euros pour l’année 2024. Un bon début pour entrer dans le secteur du luxe !
Certains syndicalistes auraient voulu qu’il reste : la CFE-CGC et la CFDT ont salué son action à la tête de l’entreprise. Même la CGT du groupe Renault a dénoncé le départ du « capitaine d’industrie », sous prétexte qu’il aurait fallu « finir l’aventure » ! Si quelques syndicalistes ont besoin d’obéir à leur capitaine, les salariés de Renault, de ses filiales et de ses sous-traitants devront compter sur leurs luttes pour défendre leur avenir. Des résistances, il y en a eu ces dernières années : pour les salaires, pour préserver les emplois et encore cet hiver contre un accord d’entreprise pourri. Il faudra les amplifier face à son successeur.
Hugo Weil