« Notre écologie est celle du bon sens » : c’est par cette formule que Jordan Bardella décrit la vision Rassemblement national, visiblement très soucieux, dans l’affichage, de laisser une France propre et viable aux générations futures.
Le bon sens au mépris de l’évidence scientifique
Chaque année les records de chaleur sont battus et les catastrophes naturelles, de plus en plus violentes, s’accumulent. Autant de faits qui devraient éliminer toute trace de climatoscepticisme au RN, mais certaines formules « de bon sens » (« rassuristes » aurait-on dit il y a quelques années) laissent planer quelques doutes. Et comme réfuter l’implication de l’activité humaine dans le changement climatique ne passe plus de nos jours, il faut faire plus subtil, en qualifiant le Giec d’alarmiste, alors que toutes leurs prévisions se trouvent confirmées au mieux, sous-évaluées au pire.
« Pour en finir avec le mensonge du globalisme ; chaque écosystème est unique, il est ici, et pas ailleurs » pouvait-on lire dans leur programme de 2022. Comme si la crise climatique mondiale allait épargner l’écosystème « France » ! Cette rhétorique bien rodée permet de rejeter la faute sur d’autres, à commencer par la Chine, tout en justifiant sa propre inaction. C’est sûr que les patrons français qui y investissent depuis des années ne sont pour rien dans les émissions chinoises !
Eux aussi adorent la bagnole !
Les élections européennes et la présidentielle de 2027 en tête, le RN ne recule devant aucun accès de démagogie sur la « France d’en bas » pour flatter les populations rurales et périurbaines, ou du moins l’image qu’ils s’en font… Sus à l’écologie « punitive », sus aux restrictions, à tout ce qui peut déstabiliser l’éternel et très mythifié mode de vie national !
Ainsi, défenseurs inconditionnels de la voiture thermique, ils combattent toute tentative de s’en passer, et tant pis pour le climat. Plus important que le CO2 pour eux : la liberté individuelle permise par la voiture. Une liberté, certes, mais d’obéir à une nécessité, à savoir se déplacer de plus en plus loin, notamment pour aller travailler. La liberté, donc, de parcourir des kilomètres en perdant des heures dans les bouchons, faute de pouvoir se loger près de son entreprise vu les prix de l’immobilier. La liberté, enfin, de payer soi-même une fortune l’entretien, l’assurance et l’essence, alors que la plus grande part des trajets en voiture profitent aux patrons, heureux de pouvoir compter sur une main-d’œuvre mobile – d’ailleurs, s’ils prennent en charge une partie des abonnements de transport en commun, pourquoi ne feraient-ils pas la même chose avec le coût de la voiture ?
Mais bon, les trajets en auto doivent inspirer un sentiment plein et entier de liberté quand on a, comme Marine Le Pen, un chauffeur et pas de permis !
Dans leur lutte contre ce qu’ils appellent l’écologie punitive, Le Pen et Macron ont bien plus de points communs que de désaccords. Ils sont les deux faces de la même pièce. En surfant sur les craintes liées aux changements de mode de vie que le réchauffement climatique semble induire, ils défendent une écologie qui ne doit en réalité surtout pas punir… les patrons. La voiture, qu’elle soit thermique ou électrique, en est le parfait exemple : pourquoi toucher à un modèle si profitable aux patrons de l’automobile ? Et si commode à tous les bourgeois puisqu’il fait reposer sur les travailleurs tout le poids du transport ?
Que la façade soit verte ou brune, les bénéficiaires de cette écologie au rabais sont les mêmes. Les travailleurs n’ont plus qu’à voir rouge pour imposer les changements nécessaires de demain !
Étienne Cresson