Nos vies valent plus que leurs profits

Dette publique : entre alarmisme opportuniste et dictature du capitalisme financier

Paris, 2025-09-08. Francois Bayrou à l’Assemblee Nationale. Photographie de Martin Noda / Hans Lucas. Photothèque rouge

François Bayrou est tombé… mais le débat sur la dette publique lui a survécu. C’est à qui alignera le plus de nombres faramineux : 3 345 milliards d’euros de dette publique, 1 000 milliards de plus depuis 2017, vous vous rendez bien compte ?

D’où vient l’accroissement de la dette ?

Cette dette n’est pas celle des travailleurs, qui n’ont en rien vu leur niveau de vie augmenter.

Matthieu Aron et Caroline Michel-Aguirre, journalistes au Nouvel Obs, donnent une piste : plus de 270 milliards d’euros par an passent des caisses de l’État français – et, pour une petite partie, de l’Union européenne – aux milliardaires et aux multinationales à travers plusieurs canaux. Subventions, niches fiscales, exonérations d’impôts… Un rapport récent du Sénat les chiffrait à 211 milliards.

Du fric pour l’armée et les patrons, il y en a toujours

Quand il s’agit de faire payer l’addition de cette dette, ils se souviennent de nous. Gel des prestations sociales, désindexation des retraites sur l’inflation, suppressions d’emplois dans la fonction publique : ces mesures toucheraient de plein fouet les travailleurs et les plus pauvres. Seul domaine immunisé face aux coupes budgétaires ? Le budget des armées, qui augmentera de 3,5 milliards en 2026 et 3 milliards en 2027, pour atteindre 64 milliards d’euros, soit le double de 2017.

Le remboursement de la dette est agité comme un prétexte : il ne s’agit pas de rembourser pour l’État français 3 345 milliards d’euros, ni aujourd’hui… ni jamais. Les prêts contractés chaque année pour couvrir le déficit du budget sont remboursables pour la plupart au terme de l’échéance (10, 20 voire 50 ans…) et l’État ne se prive pas de réemprunter à ce moment-là pour rembourser les sommes dues. Il ne s’agit donc que des intérêts, et qui engraissent les financiers.

Les dettes publiques, une arme du capitalisme financier

Au-delà du catastrophisme de circonstance des politiciens pour justifier de nouvelles attaques pro-patronales, la dette publique est aujourd’hui contractée principalement sur les marchés financiers, avec des taux d’intérêt fluctuants. La charge de la dette de l’État français, c’est-à-dire l’ensemble des intérêts versées, se chiffre ainsi à 56 milliards d’euros en 2025 : un transfert direct de richesses aux créanciers. Qui fixe la hausse des taux ? Les grandes banques et créanciers privés, en fonction de la conjoncture du moment et de là où les placements leur paraissent plus surs et plus rentables.

Les États, surtout les plus pauvres, sont à la merci d’une hausse des taux d’intérêts et de tout ce qui se joue sur les marchés financiers. Des produits financiers complexes tels que les couvertures de défaillance, ou Credit Default Swap (CDS), encouragent par exemple à spéculer sur le risque de défaillance du débiteur (en l’occurrence l’État) : plus ce risque augmente, plus le CDS prend de la valeur.

La fluctuation des taux d’intérêts est un outil bien pratique pour les marchés financiers afin de faire passer des messages sur les politiques menées. En 2022, la Première ministre anglaise, Lizz Truzz, avait dû démissionner 45 jours après avoir été élue. L’annonce de baisses d’impôts financées par la dette avait entraîné une panique sur les marchés financiers et une chute de la livre anglaise. Les « notes » données par les agences de notation jouent elles aussi directement sur le taux d’intérêt : ce qu’elles sanctionnent, c’est la capacité des États à imposer un transfert des richesses des classes populaires vers la bourgeoisie.

Quelle politique face à la dette ?

Pour se libérer réellement de l’emprise de la dette – et des patrons ! –, il s’agira de s’en prendre directement au pouvoir de la bourgeoisie, afin d’exproprier les banques et de mettre tout le système de crédit sous le contrôle direct des travailleurs. Après la révolution d’Octobre, en 1917, les bolcheviks avaient trouvé une solution simple : annuler purement et simplement la dette de l’État russe contractée sous le tsarisme.

En tout cas, dès aujourd’hui, ce n’est en rien aux travailleuses et travailleurs de payer l’addition pour un plat qu’ils n’ont même pas mangé : aux capitalistes, du haut de leur montagne de profits accumulés, de payer leur dette, ce n’est pas notre affaire !

16 septembre 2025, Boris Leto