Vendredi 1er décembre, les huit centrales syndicales qui constituaient « l’intersyndicale nationale » durant la bataille des retraites se sont réunies pour annoncer… sa « mise en sommeil ». Un beau sens du timing, la semaine où l’on apprend que les banques alimentaires ne peuvent pas répondre à la demande, que le nombre d’enfants qui dorment dans la rue se compte en milliers, que les profits battent des records et que le ministre de l’Économie annonce une nouvelle thérapie de choc contre le monde du travail qui commencerait par couper les allocations chômage aux plus de 55 ans.
Les deux années écoulées d’hyperinflation ont pesé exclusivement sur les classes populaires. Le Smic a été augmenté six fois durant la période, car il est le seul revenu indexé sur les prix. Mais cette indexation est basée sur des indicateurs officiels biaisés. Comme le relevaient des salariés de Carrefour lors de leurs débrayages récents : « L’inflation au sens de l’Insee ou l’inflation des produits de première nécessité, on ne parle pas de la même chose. On est bien placés pour le savoir, nous, dans la grande distribution. » Ce sont les prix de l’énergie, des loyers et de l’alimentation qui ont le plus augmenté et ils constituent l’essentiel, voire l’intégralité, des dépenses d’une famille ouvrière. Bien qu’insuffisantes, ces revalorisations automatiques ont eu pour effet de faire passer de nombreux échelons minimum de branche sous le Smic : on atteint aujourd’hui un niveau record de près de 20 % de travailleurs au salaire minimum.
Par le jeu de distribution de primes ponctuelles et d’augmentations à la fois insuffisantes et tardives, le patronat est parvenu pour l’instant à sortir gagnant de ces deux ans d’inflation. Les conséquences pour la société tout entière sont catastrophiques et commencent à peine à se faire sentir. Mais ces deux dernières années ont connu aussi des records de grèves et de débrayages pour les salaires. Ce mouvement de fond a ralenti depuis septembre mais repart à la hausse avec des mouvements dans les bus, à la SNCF, dans l’industrie… À l’heure où le chômage remonte, la question des salaires touche tous les travailleurs, avec ou sans emploi. C’est tous ensemble, par la grève, qu’on pourra inverser le rapport de force. Avec les directions syndicales si nos luttes les sortent de leur « sommeil » et sans elles sinon !
Raphaël Preston
(Article paru dans le numéro 8 de Révolutionnaires)