Avec un taux de chômage officiel de 12 % en 2023 (contre 7,5 % pour l’ensemble de la population), les personnes handicapées rencontrent davantage de difficultés à l’embauche. Les préjugés ont, en effet, la vie dure chez nombre d’employeurs : « ça va être des contraintes en plus », « il va être souvent absent », « ça va coûter cher », « elle va être moins compétente », entend-on encore souvent. Si bien que la question de faire reconnaître ou non son handicap, qui plus est lorsqu’il est dit « invisible », peut être un vrai dilemme : si c’est souvent la condition pour entamer des démarches d’adaptation du poste de travail, c’est aussi s’exposer à de possibles discriminations ou la peur de perdre son emploi. Depuis 1987, la loi oblige les entreprises de plus de vingt salariés à embaucher au moins 6 % de travailleurs ayant une reconnaissance de handicap, sous peine de devoir verser une contribution financière. Une grande majorité d’entreprises préfère mettre la main au portefeuille.
Un milieu « protégé » mais pas de l’exploitation et des salaires indécents
Depuis les années 1950, des associations de familles de personnes handicapées ont été à l’origine de la création de structures destinées à employer spécifiquement des personnes handicapées, dans un environnement dit « protégé ». Ces centres d’aide par le travail (CAT), créés formellement en 1957 sont devenus les établissements et services d’aide ou, désormais, d’accompagnement par le travail (Esat) depuis 2005. Ils interviennent dans de multiples domaines : conditionnement, entretien des espaces verts, nettoyage, cuisine, horticulture, tri, montage industriel… pour des collectivités, des particuliers, mais aussi pour de grands groupes qui leur sous-traitent une partie de leur activité.

Percevoir un salaire… c’est bien l’un des problèmes dans ces Esat. Celles et ceux qui y travaillent jusqu’à 35 heures par semaine ne sont pas salariés mais « usagers » de ces centres médico-sociaux qui dépendent du Code de l’action sociale et des familles, et non du code du travail. Ils ne perçoivent donc pas un salaire, mais une « rémunération garantie », comprise pour quelqu’un qui travaille à plein temps entre 55 % et 110 % du Smic. Une rémunération dérisoire, qui peut se cumuler avec l’allocation aux adultes handicapés (AAH) à condition… de ne pas dépasser le Smic.
À ces salaires indécents s’ajoutent une infantilisation constante et de multiples brimades de la part de l’encadrement et des moniteurs, rapportées par de nombreux témoignages.
« À but non lucratif », mais en recherche de rentabilité
Ces établissements, s’ils sont gérés par des associations à but non lucratif, fonctionnent comme de petites entreprises qui cherchent la rentabilité et à gagner de nouveaux clients, délaissant le volet d’accompagnement médico-social… le tout au service, surtout, de grands groupes. Ceux-ci leur sous-traitent une partie de leur activité à des prix défiant toute concurrence… et avec des exonérations fiscales en prime.
En décembre 2023, une tribune pour la reconnaissance du statut de salarié des handicapés travaillant en Esat obtenait la signature de certaines organisations syndicales, notamment la CGT. Depuis, ces travailleurs ont obtenu le droit de grève et celui de se syndiquer, mais ils ne sont toujours pas reconnus comme des salariés à part entière.
Il existe tout de même quelques collectifs rassemblant des handicapés. Souvent plus radicaux, à l’image du Collectif lutte et handicaps pour l’égalité et l’émancipation (Clhee) ou des Dévalideuses, ils militent, entre autres choses, pour la fermeture des lieux de privation de liberté des handicapés.
Sabine Beltrand
