
Décembre 2018, le mouvement des Gilets jaunes est au plus fort, et manifestation après manifestation, le nombre d’interpellés, comme le nombre de blessés, ne cesse d’augmenter. Ainsi que le nombre de plaintes contre des violences policières.
Le dossier 137 en est une : c’est le dossier d’une famille de prolétaires de Saint-Dizier qui, venue manifester à Paris le 8 décembre, se retrouve avec un des siens incarcéré (il en perdra son boulot) et l’autre hospitalisé dans un état grave. Touché à la tête par un tir de flash-ball, il survit avec d’importantes séquelles neurologiques.
L’IGPN, la police des polices, est chargée d’enquêter pour déterminer ce qui s’est passé. On suit alors Stéphanie, interprétée par Léa Drucker, commandante, en charge du dossier. Son obstination à établir la vérité la conduit à prendre des libertés avec les procédures.
Le film est passionnant tant par l’enquête avec les auditions de flics de divers corps, qui tous reconnaissent avoir été débordés lors de ces manifestations, qu’avec les témoins. Le tableau des Gilets jaunes est très juste. Des travailleurs modestes, jamais venus à Paris et désireux de crier leur ras-le-bol d’une vie de galères. Ils n’ont aucune confiance en la police et dans les institutions dont ils estiment, à juste titre, qu’elles ne sont pas de leur côté.
Stéphanie, elle, croit en son boulot : empêcher les flics qui agissent « mal » (ripoux comme violents) de continuer. Même si elle est mal vue par les autres flics qui font corps pour défendre les leurs. Elle tombera de haut.
Pour tourner son film, Dominik Moll (réalisateur de Harry, un ami qui vous veut du bien et de La Nuit du 12, une enquête de la PJ sur fond de féminicide) s’est immergé à l’IGPN pour se familiariser avec les procédures, y a rencontré nombre d’enquêtrices (les femmes y sont nombreuses) et de magistrats. L’idée du film est venue de là, de son envie de parler du biais constitué par le fait que des flics enquêtent sur d’autres flics, « leurs collègues » et de son désir de parler des Gilets jaunes et des violences auxquelles ils ont fait face dont Dominik Moll s’étonne dans des interviews que le gouvernement n’ait jamais eu un mot pour les regretter.
Il montre tout cela à merveille. Et cela donne un film passionnant dans lequel on ne s’ennuie pas une minute.
Liliane Laffargue