Il y a un siècle, en novembre 1924, dans la ville de Douarnenez en Bretagne, 2200 travailleuses et travailleurs, dont 75 % de femmes se mettaient en grève. Six semaines plus tard elles arracheront à leurs patrons une augmentation de salaire de 45 centimes de l’heure. « Un jour toutes ensemble ces femmes se lèvent, à plusieurs milliers se mettent en grève » dit la Chanson des sardinières.
« Pemp real a vo » ! : Cinq réaux nous aurons !
Sans droit de vote, très peu syndiquées, travaillant jusqu’à 16 heures par jour, dès l’âge de 10 ans et jusqu’à 80 ans pour mettre en conserve les arrivages de sardines depuis le port, les ouvrières de ces usines décident de mettre un coup d’arrêt à la production pour exiger une augmentation de leur salaire jusque-là de 80 centimes.
Dans le contexte d’inflation et de crise du logement des années 1920, la grève des sardinières fait mouche, et entraîne derrière elle des travailleurs de tout le port, avec le soutien de la première mairie de France tenue par le jeune Parti communiste et du syndicat CGTU. Un comité de grève de quinze membres est élu, dont cinq femmes et une dizaine de militants syndicaux et politiques. Quotidiennement, on pointe les cartes de grèves, on organise les distributions de secours, et des assemblées générales de milliers de grévistes contrôlent et votent les décisions du comité de grève. On fait face aux jaunes et aux flics, envoyés par le patronat et les préfectures, jusqu’à une tentative d’assassinat du maire communiste de la ville, Daniel Le Flanchec.
Il s’est agi d’une véritable expérience d’auto-organisation des travailleurs, et surtout des travailleuses, jusqu’à contrôler une partie de l’activité du port de Douarnenez : « Le comité autorise à sortir en mer pour l’approvisionnement de la population en poisson frais et la vente aux mareyeurs qui n’ont pas d’usines de conserves. Ils devront à leur débarquement faire une part de pêche qui sera répartie par les soins du comité de grève aux grévistes et aux cantines. »1
Des femmes en grève pour leur salaire à la classe ouvrière en grève pour l’émancipation des femmes
Ces grèves des sardinières ont commencé dès 1905 pour le paiement à l’heure et non plus à la mise en boite. Elles sont un exemple parmi bien d’autres de la force des travailleurs en lutte.
Lorsque les travailleurs et les travailleuses prennent conscience de leur poids dans la société, c’est tout un monde qui peut changer, comme l’avait montré sept ans auparavant la prise du pouvoir par les soviets ouvriers et paysans en Russie. Des militantes de l’Internationale communiste des femmes, créée en 1922, comme Lucie Colliard en France, ont tenté d’élargir les revendications salariales des sardinières : salaire égal pour les femmes, crèches et garderies dans les usines, mêmes droits politiques que les hommes… Elles appelaient aussi à rejoindre la lutte révolutionnaire pour le renversement du capitalisme.
C’est bien ce combat, que nous poursuivons encore aujourd’hui !
Mathilda Nallot
(Article paru dans Révolutionnaires numéro 11, mars 2023.)
1 Soviets et salaires : les sardinières dans la grève de Douarnenez, https://journals.openedition.org/chrhc/19929