Depuis le lundi 26 février, date du retour des vacances d’hiver sur l’Île-de-France, une grève historique secoue le département de Seine-Saint-Denis dans l’Éducation nationale. Après une semaine de grèves très fortes les 26 et 27 février, reconduites dans beaucoup d’établissements sur toute la semaine, avec des assemblées générales quasi quotidiennes, par bassin, mais aussi départementales, la journée du 7 mars a marqué un nouvel approfondissement dans la mobilisation, avec un taux de grève de 60 % dans le second degré, et de 45 % dans le premier, des taux jamais vus. 4500 manifestants ont défilé à Paris, pour la plupart de Seine-Saint-Denis, mais aussi d’autres départements comme le 95, le 75, le 78 ou le 94. Une assemblée générale a rassemblé plus de 450 personnes à la bourse du travail de Paris, dans une ambiance électrique.
Cette mobilisation est également marquée par de nombreuses réunions d’information qui réunissent un nombre très important de parents : 150 à Aulnay, 150 à Bagnolet, plus d’une cinquantaine au Pré-Saint-Gervais… Samedi 9 mars, une manifestation a réuni plus de 200 personnes entre les villes de Sevran et Aulnay, des enseignants, enseignantes et d’autres agents de l’éducation nationale, mais pour la plupart des parents et également des lycéens et lycéennes.
Cette grève a été préparée depuis plusieurs mois par l’intersyndicale départementale CGT-SUD-FSU-CNT, à laquelle s’est finalement ajouté FO lorsque cette dernière a vu la puissance de la mobilisation, avec des revendications précises : 5200 créations de postes d’enseignants, 175 de CPE, 650 d’AED, pas plus de 20 élèves par classe, et une rénovation urgente du bâti. Mais bien évidemment, si cette mobilisation est si forte, c’est parce qu’elle a rencontré celle, lancée dès avant les vacances, notamment les 1er et 6 février, contre la brutale réforme du « choc des savoirs », avec des « groupes de niveau », qu’ils s’appellent d’ailleurs ainsi dans la bouche d’Attal, ou « groupes de besoin » dans celle de Belloubet. Après celle des lycées, et comme le crient bien des grévistes dans la rue, « c’est la réforme de trop ! » C’est bien pour cela que les collèges jouent un rôle moteur dans la mobilisation. Comme le disent les grévistes et l’intersyndicale : contre le choc des savoirs, il faut un choc des moyens et des salaires !
D’ailleurs, cette mobilisation commence d’ores et déjà à s’élargir au-delà du 93. À l’AG du 7 mars étaient aussi représentés des enseignants du 75 et du 94, mais surtout des collègues de Garges-lès-Gonesse, dans le Val -d’Oise (95), qui ont occupé le rectorat de Versailles pendant quatre jours pour exiger des moyens pour leurs établissements. Une présence remarquée, et qui a été saluée par un slogan scandé dans la salle : 93-95 même combat ! Car oui, au-delà du 93, ces revendications parlent à l’ensemble des collègues qui enseignent dans des établissements de quartiers populaires, à l’ensemble du personnel, à l’ensemble des familles ouvrières qui ne veulent pas que leurs enfants soient victimes du tri social, relégués dans « les classes des nuls » et dans des établissements délabrés et indignes.
L’AG soutenue par l’intersyndicale s’est déclarée ainsi « solidaire de toutes les mobilisations qui se construisent sur l’ensemble du territoire dont des camarades du 75, du 78, du 95 et du 94 sont venu.es témoigner à la bourse du travail de Paris ».
L’AG du 93 a appelé à une journée de grève massive le jeudi 14 mars. Une journée qui, encore, devrait être puissante sur le département, avec des manifestations convergentes sur Bobigny, où se trouve la direction des services de l’Éducation nationale. De son côté, l’AG parisienne a appelé à une journée de grève et d’établissements déserts le 12 mars.
Le 19 mars, l’intersyndicale nationale appelle à journée de grève de toute la fonction publique. D’ores et déjà, l’AG du 93 appelle à reconduire les 20, 21 et 22 mars. Une décision qui a été votée également dans d’autres AG dans d’autres départements, comme en Loire-Atlantique, ou encore dans les Pyrénées-Atlantiques… Oui le département du 93 est emblématique de toutes les attaques contre l’éducation dans les quartiers pauvres, mais pour cette raison, c’est bien la question de l’affrontement avec le gouvernement au niveau national qui se pose !
Aurélien Perenna