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Élections, pièges à illusions !

Cet article fait partie d’un dossier :

Après un entre-deux tours marqué par la menace du RN et les combines politiciennes de la gauche et de la macronie, l’urgence à reprendre le chemin des luttes

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Élections, pièges à illusions !

Nous nous sommes présentés à ces législatives, à la mesure de moyens limités par les délais express imposés par Macron. Impossible de rééditer en quelques jours ce que nous avions fait en plusieurs mois de campagne des Européennes. Mais nous avons néanmoins voulu qu’au nom des intérêts généraux des travailleurs, contre le danger de l’extrême droite, contre la porte que lui a ouverte Macron, mais aussi contre les illusions semées à nouveau par une gauche institutionnelle qui a toujours gouverné contre les travailleurs, des voix expriment une politique indépendante de classe dans cette campagne.

Nous avons fait campagne dans vingt-neuf circonscriptions par des candidatures du NPA-Révolutionnaires, sur les axes résumés sur nos banderoles : « Contre l’extrême droite, par nos luttes et par nos grèves, en finir avec 40 ans de politiques anti-sociales et racistes, de droite comme de gauche ». Partout ailleurs, y compris dans les quelques dizaines de circonscriptions où nos candidats n’ont pas pu faire imprimer et parvenir de matériel électoral, nous avons appelé à voter pour Lutte ouvrière. Notre clip de campagne a relayé ce choix. Nous avions proposé à Lutte ouvrière de nous présenter en commun aux Européennes et aux législatives, y compris dans cette dernière élection sous la forme d’un partage des circonscriptions. Nous regrettons leur refus, mais nous avons contribué à l’existence, de fait, d’un pôle révolutionnaire opposé aux trois principaux « blocs » bourgeois : d’extrême droite, macroniste et de gauche.

Les scores de l’extrême gauche sont petits mais essentiels : 365 051 suffrages, soit 1,15 % des suffrages exprimés (contre 266 412 voix et 1,17 % aux législatives de 2022 et 175 214 voix et 0,77 % aux législatives de 2017). Pour beaucoup, ces suffrages sont à attribuer aux efforts de Lutte ouvrière : 352 746 voix pour leurs candidats dans 550 circonscriptions, 5 965 pour ceux du NPA-Révolutionnaires dans 29 circonscriptions, 5 212 pour ceux du Parti des travailleurs dans 16 circonscriptions et 1 128 pour Révolution permanente dans une circonscription.

La divergence politique est clairement apparue entre notre NPA-Révolutionnaires et le NPA-L’Anticapitaliste qui s’est agrégé au Nouveau Front populaire (NFP). L’investiture accordée à Philippe Poutou dans une circonscription de l’Aude lui a valu le score exceptionnel de 18,70 % des suffrages (fera-t-il même mieux, au deuxième tour, par apport de voix macronistes ?), mais ladite circonscription étant quasiment acquise au RN, les cadres du NFP avaient pris soin de ne pas lui laisser la moindre chance d’accéder au palais Bourbon. Pas de cadeau, même si ce nouveau cartel électoral de gauche a pu ainsi se prévaloir d’être rassembleur XXL : de Philippe Poutou et Olivier Besancenot d’un côté, à Hollande, Glucksmann et Aurélien Rousseau de l’autre. Ces ex-camarades n’ont pas fini d’avaler des couleuvres : dès la connaissance des résultats du premier tour, et sous prétexte de « battre le RN dans les urnes », les cadres du NFP appelaient lâchement à se désister systématiquement pour les macronistes ou autres, donc pour Élisabeth Borne (et sa loi contre nos retraites) ou Gérald Darmanin (et sa loi raciste contre les immigrés). Cas les plus pendables mais pas les seuls…

Que faire, que dire à la veille du deuxième tour ?

Avec ces élections législatives, au mode de scrutin uninominal à deux tours introduit spécialement par de Gaulle et sa Cinquième République pour favoriser les grands partis (accompagné d’autres combines, entre autres pour réduire le poids électoral du Parti communiste français) et qui aujourd’hui amplifie l’influence du RN (qui pourrait avoir une majorité de députés sans avoir une majorité de voix), les révolutionnaires ne sont évidemment pas gâtés ! Il est cocasse d’entendre aujourd’hui François Hollande vanter les charmes d’un scrutin proportionnel (qu’il reconnaît n’avoir pas cherché à introduire quand il était président de la République). Tiens donc ! Juste maintenant que ça arrangerait sa gauche centriste ! Il est vrai que ce serait plus juste, et vaudrait par exemple aux révolutionnaires d’avoir six ou sept députés (en fait un député pour quelque 0,15 % des suffrages exprimés). Mais non, et les révolutionnaires sont éliminés du deuxième tour.

Ce qui ne les amène pas à se taire, bien évidemment.

À la veille du second tour, nous ne retirons rien de nos prises de position mais tenons néanmoins à afficher une solidarité avec celles et ceux qui pensent, bien à tort, « faire barrage » au RN par un bulletin de vote pour le NFP. Nous excluons néanmoins d’appeler à voter pour ceux qui ont exercé récemment le pouvoir au service du patronat, sous Hollande qui était soutenu par le PS et les Verts, et usé de la répression et de la démagogie raciste qui va avec. Notre solidarité est avec celles et ceux qui sont révulsés comme nous par l’arrivée au pouvoir d’une extrême droite qui charrie nombre de scories nazies, dont le racisme anti-Juif, anti-Arabe et anti-musulman, une solidarité que nous avons exprimée de la façon suivante dans un communiqué et nos éditoriaux de bulletins d’entreprise : « Pour ce deuxième tour du 7 juillet, nous disons “Pas une voix pour le RN ou le macronisme”, mais pas non plus la moindre confiance dans les promesses électorales de la gauche institutionnelle. Là où néanmoins une candidature de LFI ou du PCF ferait face au RN, ou là où exceptionnellement une candidature d’autres partis de gauche le justifierait, nous appellerons à voter pour ces candidatures. Sans aucune confiance dans la politique que mènera l’alliance électorale que représente le Nouveau Front populaire, mais par solidarité avec des électeurs et électrices dont c’est le choix et qui sont souvent des camarades de lutte. »

Alors, préparons-nous à lutter ensemble contre le gouvernement qui sortira des urnes, en défense des travailleurs en butte aux appétits et à l’arrogance patronale, en défense des travailleurs immigrés visés par le racisme de l’extrême droite, en défense des jeunes en butte à la gâchette facile des flics, en défense des femmes ciblées par les réactionnaires qui voudraient les transformer en simples génitrices. Et ensemble, ne faisons aucune confiance dans ces directions politiques et syndicales qui ont appelé les travailleurs, avec des trémolos dans la voix, à aller aux urnes pour « battre l’extrême droite » avec des bulletins macronistes, mais ne les préparent en rien à la riposte d’envergure nécessaire. Qui dans cette gauche a mis en avant que la grève est l’arme des travailleurs ?

Quels que soient la composition de l’Assemblée et du gouvernement qui sortiront de ces élections législatives, les communistes révolutionnaires, encouragés par un score de quelque signification au premier tour, doivent réfléchir, ensemble si possible, aux moyens d’organiser la riposte contre une politique « bleu horizon » ou « bleu marine » qui, de toute façon, et même si Bardella ne sortait pas Premier ministre, va s’imposer contre les travailleurs.

Michelle Verdier

 

 

(Sommaire du dossier)