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En Europe et ailleurs, mêmes patrons, même combat

Des règles communes « pour une Europe de la prospérité » selon le baratin de Macron dans son discours de lancement de campagne à la Sorbonne le 26 avril dernier ? Prospérité pour les patrons peut-être. Quant aux règles communes, elles sont le fruit de longs marchandages pour leurs intérêts respectifs. À Bruxelles s’affairent pour cela 25 000 représentants des multinationales, des branches industrielles ou commerciales, ceux qu’on appelle les lobbyistes, une armée bien plus influente que les 705 députés.

Mais, pour les travailleurs, même seulement ceux de cette petite Europe qu’est l’Union européenne (UE), quelles règles communes ? Quels droits communs ? Il n’y a même pas de salaire minimum tout court dans cinq des 27 pays de l’UE et, pour ceux qui en ont un, quelle disparité ! Les patrons peuvent ainsi se payer la main-d’œuvre la moins chère dans les pays les plus pauvres de l’Union, comme ils le font en Turquie, au Maroc ou en Tunisie.

En Slovaquie, où PSA, devenu Stellantis, a installé à Trnava en 2006 une de ses usines européennes (4 500 salariés dont 360 sont aujourd’hui menacés de licenciement), le salaire minimum est de 40 % du Smic français. En Roumanie, ou Renault emploie plus de 10 000 ouvriers dans son usine Dacia, le salaire minimum n’est même que le tiers du Smic français. Si l’on ajoute au salaire les cotisations sociales, la disparité est encore plus grande : le coût pour le patron de l’heure de travail en Roumanie est seulement de 23 % du coût en France : les salariés y sont tenus de cotiser à une assurance maladie complémentaire, et la retraite minimum est fixée à l’équivalent de 141 euros.

En Roumanie, en Slovaquie, en Pologne, en Hongrie, en Slovénie, où les grandes entreprises ouest-européennes se sont implantées, les salaires ont tout de même augmenté au cours des vingt dernières années. Mais pas grâce aux députés européens, ni aux commissions qui siègent à Bruxelles. Il a fallu la grève victorieuse des ouvriers de Dacia (groupe Renault) en 2008, pour obtenir une augmentation d’environ 100 euros sur des salaires qui étaient de 150 euros. Les ouvriers roumains ont remis ça en 2013, malgré la menace de délocaliser la production au Maroc où la main-d’œuvre est encore moins chère et où Renault était en train de mettre en route son usine de Tanger. En Slovaquie, en 2017, ce sont les ouvriers de l’usine Volkswagen de Bratislava (12 000 salariés) qui s’étaient mis en grève obtenant 13,5 % d’augmentation. L’idée de la grève s’était propagée à l’usine Kia (2 700 ouvriers) de Zilina, où la direction avait concédé une augmentation de 8,8 %. En 2018, c’est PSA qui devait lâcher 7,7 % d’augmentation dans son usine de Trnava.

Si la libre circulation des capitaux ne connaît pas de frontière (Frontex n’est là que pour bloquer les travailleurs migrants), la lutte de classe non plus. Au-delà de l’UE, en 2016, à Bursa en Turquie, la grève pour les salaires de l’usine allemande Bosch s’était étendue à l’usine que Renault a installée dans la même ville. Au Maroc, c’est en 2021 que les ouvriers de l’usine Stellantis de Kenitra, payés 240 euros par mois pour six jours de travail par semaine, s’étaient mis en grève, à peine 18 mois après l’ouverture de l’usine.

Quand on entend ici des leaders syndicaux pleurer contre les délocalisations qui boufferaient « notre boulot » on n’a qu’une envie : prendre l’exemple des salariées de Dacia en Roumanie qui n’en avaient eu que faire de la menace brandie par Renault de délocaliser dans un pays encore plus pauvre et ont fini par gagner. Quand on entend un Léon Deffontaines déclarer qu’il est « contre l’élargissement de l’UE à des pays dont le salaire minimum est inférieur à 200 euros comme la Moldavie », on se dit, drôle de communiste qui pense qu’il faudrait se protéger de la concurrence des ouvriers moldaves, comme Macron, Darmanin et Le Pen des ouvriers migrants.

Les capitaux n’ont pas de frontière. Nos luttes non plus. Ce n’est pas la combativité ouvrière qui fait défaut, mais la volonté des organisations syndicales de coordonner les luttes. Les grèves pour les augmentations de salaire ont touché non seulement la France, mais la Grande-Bretagne, l’Allemagne, l’Italie… Nous avons le plus souvent les mêmes patrons : pourquoi ne pas tenter d’organiser la lutte tous ensemble et nous efforcer d’imposer les mêmes conditions de salaire et de travail partout, en partant des meilleures ?

Les patrons multiplient leurs usines à l’étranger toujours à la recherche de nouvelles couches d’ouvriers à exploiter. D’un côté, tant mieux, ils accroissent et renforcent la classe ouvrière. À nous d’imposer que cela ne se fasse pas à des conditions de salaire et de travail dégradées ! Et d’unir nos forces dans nos luttes. Et alors, comme écrivait déjà Marx au lendemain de la révolution de 1848, « l’Europe sautera de sa place et jubilera : bien creusé, vieille taupe ! »

Olivier Belin