Actuellement en salle
Thibaut est un chef d’orchestre à la renommée internationale et vit à Paris. Un jour, alors qu’il apprend qu’il a une leucémie et doit trouver un donneur pour une greffe de moelle osseuse, il découvre qu’il a été adopté et que Jimmy, un cantinier scolaire qui vit à Walincourt, une ville ouvrière du nord de la France, est son frère biologique. C’est le point de départ de cette comédie sociale, aux allures de fable sur la rencontre entre le bourge et le prolo « que tout semble opposer »… à part la musique, car Jimmy joue du trombone dans la fanfare de l’Union musicale des mineurs de Walincourt, et qu’il a, paraît-il, « l’oreille absolue ».
Si à première vue, d’après le scénario, on pourrait craindre un film un peu caricatural, on est surpris de voir que le film évite en réalité de nombreuses facilités. D’abord, à part quelques plans dans des taxis ou des salles d’opéra, on partage moins le quotidien de Thibaut que celui de Jimmy. Le boulot, la fanfare, le stade de foot municipal, la grève à l’usine du coin menacée de fermeture… Et c’est bien plus souvent les prolétaires qui ont à offrir au bourgeois que l’inverse. Comme lorsque Thibaut tente de diriger la fanfare, croyant leur enseigner des rudiments du solfège qu’ils connaissent déjà… et que Jimmy règle le problème en les replaçant pour que chacun entende ce qui sonne faux.
On rit souvent de Thibaut, de ses croyances mises à mal (comme celle de « mériter » sa vie confortable, sa renommée, ses voyages autour du monde) et de son idéalisme qui tranche avec la rationalité de Jimmy : à lui, sa mère adoptive a toujours dit la vérité, et il fantasme moins les « liens du sang » avec son « frère » que Thibaut. Mais la rencontre avec ce chef d’orchestre, qui a fait de sa passion pour la musique son métier, le perturbe : en grandissant ailleurs, avec les moyens de développer son talent en accédant aux formations d’élite, ça aurait pu être lui, l’artiste renommé. Il se met à rêver de « mieux »… mais la violence de classe finit par le rattraper. Le décalage entre les deux hommes, leurs milieux et leurs possibilités, réapparaît cruellement alors que leurs différences semblaient pendant un temps s’effacer.
D’autres rappelleront aussi à Jimmy les liens de joie, d’amour et de solidarité qu’il a tissés à Walincourt. Ils le rappellent à sa classe et à ce qu’il risque d’oublier en tentant de s’en extraire. Dans le film, la classe ouvrière est diverse, lumineuse, dépeinte avec complexité, humanité et héroïsme. Et on est ému également par toute la musique, autre vrai sujet du film et traité sans simplisme : Jimmy est fan de jazz, « la plus savante des musiques populaires et la plus populaire des musiques savantes »… et sa fanfare joue du Aznavour autant que le Boléro de Ravel.
Malgré un final « réconciliation de classe », certes beau mais un peu décevant, après avoir évité les « happy ends » du genre tout du long, En fanfare déjoue quand même pas mal d’attentes des spectateurs et des spectatrices, ainsi qu’un certain nombre de préjugés. Le tout avec humour et sensibilité.
Claire Lafleur