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En Israël, la fuite en avant guerrière et sioniste… jusqu’où ?

Manifestation à Tel Aviv, septembre 2024

Serrons les rangs et « laissons l’armée gagner » : ce slogan, imprimé sur les sacs à emporter d’une chaîne de fastfood en Israël, pourrait résumer l’état d’esprit majoritaire en Israël depuis un an de massacres génocidaires à Gaza, alors que l’escalade guerrière de Netanyahou s’étend à la Cisjordanie, et maintenant au Liban. Les dizaines de milliers de victimes gazaouies dont des bébés ? Laissons l’armée gagner. Les écoles et les hôpitaux bombardés ? Laissons l’armée gagner… jusqu’à l’anéantissement pur et simple des Palestiniens et autres peuples de la région, sur les cadavres desquels pourrait s’édifier un « Grand Israël » ?

Depuis le 7 octobre, la propagande militariste, déjà très importante, s’est encore renforcée en faveur de la soi-disant « armée du peuple » comme elle aime se présenter. Terminées les grandes manifestations de 2023 contre la réforme judiciaire de Netanyahou qui cherchait à supprimer un semblant de contre-pouvoir qui restait dans les mains des juges. Cette contestation a laissé la place à un fort sentiment d’union nationale derrière la guerre « contre le Hamas ». Sentiment accompagné et renforcé par la formation pendant plusieurs mois d’un cabinet d’unité nationale comprenant notamment un dirigeant de l’opposition, Benny Gantz. Celui-ci déclarait alors : « Notre position, ici, épaule contre épaule, est un message clair à nos ennemis et, plus important encore, un message à tous les citoyens d’Israël : nous sommes tous ensemble, nous nous mobilisons tous… C’est le moment où l’on se rassemble et l’on gagne. »

Cette union nationale a eu pour résultat de donner les coudées encore plus franches à l’armée, mais aussi aux franges les plus extrémistes de la population. Les scènes choquantes se sont succédé depuis un an, depuis les actions de destruction de la rare aide humanitaire destinée à Gaza jusqu’aux meurtres de Palestiniens par des colons zélés en Cisjordanie. Tout cela encouragé par les éructations des politiciens d’extrême droite, dont certains au gouvernement, à l’instar de Bezalel Smotrich, ministre des Finances, qui a notamment déclaré que « le peuple palestinien n’existait pas » ou qu’il était justifié d’affamer la population de Gaza.

Les manifestations « pour les otages » : un espoir ?

Certes, des manifestations ont eu lieu « pour les otages », dont certaines ont regroupé plusieurs centaines de milliers de personnes début septembre, après l’annonce de la mort de six otages israéliens à Gaza. Ces manifestants semblent de moins en moins dupes de la propagande de Netanyahou qui justifie sa guerre sans fin à Gaza au nom des otages… pour en réalité anéantir la population gazaouie sous prétexte d’anéantir le Hamas. Mais la contestation reste pour l’instant plus que limitée et ne prend pas du tout en compte le sort du peuple palestinien. Pendant des mois, ces manifestations ne se sont d’ailleurs pas mélangées à celles, bien plus réduites, demandant l’arrêt des bombardements et osant ne serait-ce que défendre le droit de vivre des Palestiniens… sans même parler de la fin de l’oppression du peuple palestinien ! 

S’il existe un gouffre entre les contestations contre Netanyahou et un réel mouvement contre la guerre, la réaction de l’État israélien montre qu’il s’agit de couper court à toute possibilité qu’émerge ne serait-ce que l’embryon d’un tel mouvement : plusieurs dizaines de manifestants ont été arrêtés et l’appel à la grève générale lancée par la centrale syndicale Histadrout a été déclaré « illégal » par la justice dès le lendemain. Justement parce qu’un tel mouvement pourrait donner enfin plus d’audience à ceux qui, en Israël, militent aujourd’hui de manière très minoritaire contre cette guerre génocidaire et contre l’oppression du peuple palestinien dans son ensemble. À l’image de la poignée de jeunes comme Tal Mitnik et Sofia Orr qui ont refusé de servir dans l’armée et ont été condamnés pour cela à plusieurs peines de prison. Ou des quelques intellectuels comme Gideon Levy qui osent s’élever contre la politique de leur État.

Quel avenir pour le peuple israélien ?

76 ans de colonisation, de propagande sioniste – des partis de droite comme de gauche – et de guerres sans fin contre le peuple palestinien ont forgé en Israël l’idée dominante que la « sécurité » ne pouvait être garantie que par une fuite en avant sécuritaire et militaire toujours plus prononcée. Mais comment penser qu’une quelconque paix ou sécurité pourrait être permise dans ces conditions où Israël répand la guerre et la terreur ? Bien au contraire, cela condamne la population israélienne à vivre dans un climat de peur perpétuelle, dans une société ultra-militarisée où l’on apprend aux enfants à se cacher dans des abris anti-bombes et où chaque jeune réalise un service militaire de trois ans. À vivre dans un pays où des milliards sont consacrés à l’armée, quitte à couper dans les budgets sociaux et laisser un cinquième de la population sous le seuil de pauvreté. L’union nationale contre le peuple palestinien se fait in fine aussi sur le dos des travailleurs israéliens, en les désarmant politiquement par rapport à leurs exploiteurs, leurs propres patrons.

Tant que le peuple palestinien est opprimé, tant que la colonisation se poursuit, tant qu’Israël se comporte comme le gendarme sanglant des grandes puissances voire leur base militaire dans la région sur le dos des peuples, il n’y aura pas de paix en retour pour le peuple israélien. « Un peuple qui en opprime un autre ne peut être libre », écrivait Karl Marx. Faute de s’opposer à l’oppression du peuple palestinien, la grande majorité de la population israélienne donne dans les faits un permis de tuer et d’opprimer à ses dirigeants. Un piège qui ne peut que se refermer sur elle. Aujourd’hui ultra-minoritaires, ceux parmi les Israéliens qui se dressent contre le génocide en cours à Gaza et ceux, encore plus minoritaires, qui dénoncent le sionisme n’en représentent pas moins, en Israël même, la seule perspective pour la population israélienne de vivre autrement que dans un camp retranché.

Boris Leto

 

 


 

 

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