Nos vies valent plus que leurs profits

Exonérations de cotisations : le grand détournement

Évolution des cotisations
patronales pour un salarié
payé au Smic

Dans le hold-up grâce auquel le patronat touche 270 milliards d’aides publiques par an (le triple du budget de l’éducation, 27 fois celui de la justice), les exonérations de cotisations patronales sont en bonne place : 80 milliards ! Alors, quand le gouvernement nous rebat les oreilles avec la dette, rappelons que c’est l’État qui organise cette amputation de près de 15 % des recettes de la Sécu. Si l’État en compense la quasi-totalité, c’est autant que les patrons ne paient pas et font donc payer à la collectivité, contribuant très largement au déficit du budget de l’État. Le gouvernement aura beau prétendre ces jours-ci vouloir les raboter à la marge, l’ensemble de sa politique le dément.

Faire pression sur les salaires

Dans un courrier envoyé aux syndicats fin septembre, Lecornu prenait prétexte des 80 ans de la Sécu pour les inviter à discuter d’une « réforme d’ampleur [pour] réduire le poids des prélèvements pesant sur le travail ». Comprenez : ces cotisations (celles dites patronales) qui renchérissent le « coût du travail ». Le travail n’est pas un coût, c’est la source de toutes les richesses. Peu avant, Bayrou avait fait passer discrètement un décret refondant les exonérations de cotisations sur les bas salaires : encore plus d’allègements pour les salaires jusqu’à trois fois le Smic – contre 1,6 fois jusque-là. Au prétexte de combattre les « trappes à pauvreté », qu’il a lui-même créées en exonérant les salaires proches du Smic, l’État généralise désormais les exonérations bien au-dessus du Smic… Toujours la même boussole donc, celle des cadeaux au patronat. Aux dépens des salaires. Car les cotisations sont du salaire différé, que les patrons versent à la Sécu plutôt qu’aux salariés ; les baisser, c’est réduire les salaires.

Le budget de la Sécu, un pactole pour les capitalistes

Et il y a gros à gagner. Les cotisations sociales s’élevaient à 527,6 milliards d’euros en 20231. Soit près de deux fois plus que le budget de l’État. Pour le patronat, il y a donc autant de « charges patronales », à regagner dans le partage des richesses, entre salaire et profit. Le patronat a toujours fait pression sur les salaires, aidé par les gouvernements de droite comme de gauche, qui ont multiplié les exonérations, lesquelles ont explosé en trente ans : de moins d’un milliard à leur création en 1993, à 80 milliards aujourd’hui2 ! Sans compter tous les autres biais par lesquels le patronat vole en permanence : en sous-déclarant les accidents et maladies professionnelles, par exemple, afin de réduire ses contributions et pénalités – un « phénomène massif » que vient d’épingler la Cour des comptes, qui crée un trou de 2 à 3,6 milliards.

Ce qui « coûte » à la société, c’est le parasitisme du grand patronat

Et qui paie pour ces manques à gagner ? Les travailleurs eux-mêmes. Et pas qu’un peu. En 1991, un impôt a été créé, la contribution sociale généralisée (CSG), pour renflouer les caisses sans faire payer le patronat. Son taux est fixe – donc très injuste – et n’a cessé d’augmenter pour atteindre aujourd’hui 9,2 %. Il rapporte 150 milliards par an, soit plus que l’impôt sur le revenu, et pèse à 90 % sur les salaires, pensions et allocations. Il fait donc très peu contribuer les capitalistes, les revenus financiers des entreprises n’y sont même pas soumis.

Moralité, que ce soit par la cotisation ou par l’impôt, un transfert massif est à l’œuvre : les patrons paient de moins en moins, laissant tout le poids aux classes populaires. Pourtant, la santé, la retraite, les indemnités chômage sont un droit – au patronat de payer pour les risques subis par les travailleurs qu’il exploite et dont il tire ses profits.

 

 

1  Drees, Les dépenses de protection sociale accélèrent en 2023 en France, mai 2025

2  Les Comptes de la Sécurité Sociale, mai 2024

 

 


 

 

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