Exposition de la photographe Tina Modotti au musée du Jeu de Paume
« Tina Modotti, l’œil de la révolution »
du 13/02/2024 au 12/05/2024
Le musée du Jeu de Paume à Paris (place de la Concorde, au jardin des Tuileries) présente une très grande exposition de photographies (240 tirages) de Tina Modotti (1896-1942), la plus importante exposition de cette artiste jusque-là jamais présentée en France.
Issue de milieu populaire italien, elle travaille dès l’âge de 12 ans dans une usine textile en Italie pour nourrir sa famille. Émigrée ensuite aux États-Unis, elle devint couturière et mannequin avant de se lancer dans une carrière d’actrice de théâtre et de cinéma.
En 1921, elle rencontre Edward Weston, un photographe déjà célèbre, qui l’initie à la photographie. Elle part au Mexique, où elle s’installe, proche des peintres muralistes comme Diego Rivera ou Xavier Guerrero dont elle photographie les œuvres. Le mouvement muraliste, dans le Mexique post-révolutionnaire alors en pleine effervescence sociale et culturelle, se voulait accessible à tous et représentant les classes populaires mexicaines.
Dans cette exposition de photos en noir et blanc, beaucoup représentent la vie des travailleurs, la vie quotidienne des femmes allant au marché, un meeting politique avec Diego Rivera, des ouvriers assemblés pour la lecture d’un journal, des manifestations paysannes, mais aussi des portraits comme celui de Maïakovski. De très belles photos, de très beaux visages. Une des plus célèbres, celle d’une femme portant un long drapeau rouge. Ces photos ont été réalisées avant son départ du Mexique d’où elle fut expulsée en 1930. Certaines ont été publiées de son vivant par la presse des partis communistes.
Tina Modotti, dans sa vie, fut une femme libre tant par son habillement que par sa vie intime. Si elle fut libre, elle fut prisonnière de son engagement politique stalinien. La plaquette de présentation de l’exposition indique que Tina Modotti a été marquée par « l’opposition entre staliniens et trotskistes après la révolution russe de 1917 et la guerre civile espagnole ».
Maîtresse de Juan Mella, un des fondateurs du Parti communiste cubain devenu proche des idées trotskistes (une photo de sa machine à écrire montre un texte de Trotski), elle était à ses côtés quand il fut assassiné en pleine rue. Elle fut soupçonnée de complicité, puis innocentée – versions invérifiables.
En URSS, à partir des années 1930, elle cesse la photographie et devient membre du Secours rouge international. Envoyée en Espagne pendant la guerre civile, elle est la maîtresse de Vittorio Vidali dont Trotski écrira qu’il « fut un des plus cruels agents de la GPU en Espagne ». Vidali, ensuite au Mexique avec Tina Modotti, est considéré comme l’un des principaux instigateurs de la tentative d’assassinat de Trotski puis de son assassinat par Ramón Mercader.
Côté pile : une belle exposition de photos à découvrir. Côté face : l’engagement stalinien de cette artiste. L’exposition est sous-titrée : « l’œil de la révolution ». Mais Tina Modotti fut de ceux et celles qui la combattirent.
Paul Galler, le 26 février 2024