Les élections du 7 juillet déboucheront-elles sur un blocage institutionnel durable ? Permettront-elles à l’un des blocs de former un gouvernement ? Il est clair pour les militants ouvriers que si Bardella devait prendre Matignon, alors s’ouvrirait une période de lutte âpre contre les reculs sociaux accélérés, contre un renforcement de l’autoritarisme, et contre les tentatives de division racistes de la classe ouvrière. Mais si Attal parvenait à se maintenir, ou l’un de ses clones de cet « arc républicain » centriste mais extrêmement capitaliste, il mènerait la même politique que le RN sous sa pression redoublée. Le duo Macron–Le Pen est la traduction du durcissement de l’offensive patronale, du virage autoritaire qui l’accompagne.
Pour enrayer cette mécanique infernale, il faut faire irruption pour imposer nos préoccupations, nos revendications, pendant cette campagne comme après les élections, quels qu’en soient les résultats. Il faut en revenir aux fondamentaux du monde du travail : ne compter que sur nos luttes, avec ce « petit truc en plus » essentiel qui s’appelle la direction démocratique de ces luttes, en faisant basculer la situation sur un terrain révolutionnaire.
Car c’est un fait, les mobilisations populaires sont récurrentes. Ne serait-ce qu’en France : mobilisations contre la loi Travail, celles des Gilets Jaunes, contre la réforme des retraites, entre autres. Considérons-les comme des possibilités objectives renversant les rapports de force habituels de classe et pouvant déboucher sur de véritables pouvoirs populaires.
Commencer par un programme de lutte
Seule l’irruption des travailleurs et de la jeunesse pour leurs propres revendications, en toute indépendance des appareils politiques et syndicaux de la gauche, pourrait ouvrir une perspective qui rompe avec l’impasse électorale. La vraie démocratie est dans la rue, dans nos assemblées générales, dans nos discussions et décisions démocratiques sur les lieux de travail et d’études. Nous combattons dès aujourd’hui pour parvenir à un mouvement d’ensemble, à une grève générale qui permette aux classes populaires et à la jeunesse d’imposer leurs mesures d’urgence.
L’orientation que nous proposons consiste donc à proposer l’unité la plus large pour les luttes (et dans les mobilisations nous poussons pour que les appareils soient débordés par les travailleurs eux-mêmes) et l’indépendance la plus stricte pour défendre des perspectives politiques révolutionnaires, totalement contradictoires avec celles du « Front populaire ».
Manifester l’indépendance politique du monde du travail
C’est pourquoi nous appelons bien sûr à participer massivement aux manifestations prévues, le dimanche 23 juin, et nous militons pour que se concrétise au moins une journée de grève au plus vite. Il ne s’agit pas de contribuer à un gentil « pôle luttiste » du « Nouveau front populaire », une sage mobilisation de rue en faveur d’un éventuel prochain gouvernement de coalition style Hollande-Macron. Nous ne sommes pas leurs dociles marcheurs.
Il s’agit de se faire craindre des institutionnels, RN, macronistes et même de ceux du NPF qui se rêvent en ministres, de leur donner un coup de semonce populaire annonçant les prochaines mobilisations suite au second tour, quel qu’en soit le résultat. L’objectif explicite des manifestants doit être d’anticiper et de faire craindre aux dirigeants bourgeois, quels qu’ils soient, nos futurs contre-pouvoirs populaires. Il s’agit de préparer la suite, y compris si l’on a un Hollande comme premier ministre. Ce que résumait déjà l’intitulé des banderoles de notre NPA-Révolutionnaires lors des manifestations qui ont suivi le scrutin des Européennes :
« Contre l’extrême droite
Par nos luttes et nos grèves
En finir avec 40 ans de politiques antisociales et racistes
De droite comme de gauche »
Invisible, l’extrême gauche révolutionnaire ? Cela dépend où…
Au cours de la campagne des Européennes, les grands medias ont pris soin de ne pas nous « calculer ». Ce que leur permettaient d’ailleurs les règles bourgeoises du scrutin. D’où les scores additionnés de Lutte ouvrière, les nôtres et du Parti des travailleurs, nettement inférieurs à 1 %, même si leur total se maintient depuis 2019. Rien d’étonnant ni de quoi se lamenter. Car en revanche, nos militants (dont les 81 camarades constituant notre liste des Européennes), tout comme ceux de LO et d’autres, étaient plus que visibles sur leurs lieux de travail. Et la visibilité de l’extrême gauche était également flagrante, ne serait-ce que tous ces derniers mois, dans les manifestations de soutien aux Palestiniens.
En réalité, les différents courants de l’extrême gauche révolutionnaire en France ont une longue tradition militante et une présence comme un rôle indéniables dans les luttes, les grèves ou manifestations. Si nous ne sommes guère visibles dans les corridors institutionnels, « démocratie » bourgeoise oblige, nous sommes autrement visibles dans la vraie vie, la vie sociale et militante de terrain. Et souvent influents dans les grèves auxquelles nous participons ou que nous organisons.
Et quand il s’agit d’élections, à défaut d’être suivis, nous sommes tout de même écoutés. Ce que nous venons d’ailleurs de vérifier lors des manifestations récentes. C’est pourquoi il importe également de défendre notre point de vue dans ces scrutins électoraux. Des points de vue qui anticipent la réalité politique à venir, et dont se souviendront ceux qui perdront leurs illusions.
Nous avons donc tenu à présenter des candidats pour ces deux semaines de campagne, tout en appelant à voter pour les camarades de Lutte ouvrière là où nous ne nous présentons pas. Nos candidatures révolutionnaires aux élections, dans les jours qui viennent, sont la seule manière d’exprimer notre indépendance politique vis-à-vis dudit Nouveau front populaire. Et cette indépendance politique des révolutionnaires, quelles que soient les mobilisations auxquelles ils se joignent, est le gage qu’ils seront à même de défendre des stratégies révolutionnaires gagnantes dans les explosions sociales à venir.
Huguette Chevireau