Nos vies valent plus que leurs profits

Film à l’affiche : Vingt dieux

Une fenêtre sur les paysans et ouvriers du Jura

Vingt dieux, c’est une expression commune en pays franc-comtois, qui exprime la surprise ou l’émotion. C’est aujourd’hui un film de Louise Courvoisier, où l’émotion ne manque pas, justement Vingt Dieux raconte l’histoire de jeunes en manque de perspectives qui écument les bals du Jura. Totone, 18 ans, est le personnage principal et se retrouve rapidement à devoir s’occuper seul de sa petite sœur de 7 ans. Obligé de travailler dans une fromagerie de comté pour récurer les cuves, il a les nerfs à vif à cause d’une histoire de cœur. À cela s’ajoute le besoin de noyer son stress dans l’alcool avec ses amis. Mais ce n’est pas le centre du film. Totone se plonge dans la fabrication d’un comté pour remporter les 30 000 euros d’un concours. Évidemment, il va se heurter à la réalité des normes étatiques et aux gratins bourgeois qui dominent la distribution du comté. Au final, Totone représente la naïveté de l’adolescent face aux normes et à l’entre-soi de ceux qui dirigent, en résumé à la société capitaliste.

Un film qui parle de féminisme sans le dire

Ses potes, par solidarité, l’aideront dans sa quête. Mais tout se complique lorsqu’il tombe amoureux de Marie-Lise, une jeune agricultrice de 20 ans. Celle-ci a hérité d’un large terrain d’une centaine d’hectares dont elle s’occupe seule. Courageuse, travailleuse, sympathique, Marie-Lise est un personnage très réaliste. Un réalisme voulu par la réalisatrice en choisissant Maïwene Barthelemy, une étudiante de BTS en production animale, pour le rôle de Marie-Lise. La dureté de son travail est montrée à travers les images, bien sûr, mais aussi le temps qu’elle y passe : dans chaque scène ou presque, Marie-Lise est au travail ! Il lui arrive d’évoquer la dureté de sa vie paysanne, ce qui rappelle à Totone leur point commun : l’obligation de travailler dur pour espérer s’en sortir. Une façon de montrer au spectateur qu’ils appartiennent au même monde social. D’ailleurs, la scène finale du film, dont elle est la pierre angulaire, nous montre leur proximité malgré la trahison de Totone.

L’optimisme de l’enfance : un moteur face aux difficultés

La sœur de Totone, Marie, est une gamine avec la tête sur les épaules. Elle est l’élément de stabilité dans la vie du jeune garçon, bien obligé de surmonter les épreuves. Positive et encourageante, elle n’a rien d’un personnage secondaire ! C’est elle qui redonne à Totone la force de finir sa quête au moment où tout semble perdu. Marie prend une place croissante à l’écran. Elle est d’abord celle dont on doit s’occuper. Puis, elle canalise la tension existante dans le groupe d’amis et motive la troupe. Enfin, elle se révèle être le moteur de Totone dans les défis qu’il s’est fixés. Son optimisme contagieux irrigue le film d’une force et d’une douceur mêlées.

Arvo Vyltt